• MCA:Photo prise à Blida à l'occasion de l'inauguration de la Mosquée Larbi Tebessi en 1955-56.
     
    MÉMOIRE / LES 80 ANS DU DOYEN
    Cela s’appelle le Mouloudia d’Alger

    04 Septembre 2001

    De nombreuses familles algéroises attendaient Hamoud Boualem, figure emblématique s’il en est de la culture citadine et du raffinement. C’est, finalement, et contre toute attente, le groupe Khalifa qui devient le principal sponsor du doyen des clubs algériens, alors que Sonatrach en est le principal partenaire.
    La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans les milieux citadins, à Alger comme à Tlemcen, à Miliana comme à Constantine, à Dellys comme à Ghardaïa, à Médéa comme à Béjaïa où le club cher à La Casbah éternelle compte énormément de véritables supporters. A Alger, par exemple, où des mécènes comme les fondateurs de Hamoud Boualem, Bensiam, Benmerabet, Mouhoub, Benchicou ou Tamzali ne sont plus de ce monde pour relever un tel défi, les vieilles familles algéroises sont très choquées par le fait que leur progéniture reste sur la défensive alors que sauver le MCA et le rendre à ses enfants, doivent constituer la préoccupation cardinale, une mission historique. Surtout aujourd’hui, à un moment où l’espace citadin s’effrite chaque jour davantage à l’instigation de la culture de l’oubli et du mépris affiché par les clercs qui ne lèvent même pas le petit doigt pour le sauvetage d’un pan insondable de notre mémoire. Je veux parler de La Casbah d’Alger.
    Repliée sur elle-même, depuis plusieurs siècles déjà, exactement depuis la destitution du roi Sélim et-Toumi par Aroudj Barberousse, la société algéroise a pourtant donné le meilleur d’elle-même dans la prise de conscience du fait national et l’émergence d’une dynamique culturelle salutaire. Une dynamique qui aura permis à la contestation nationale, dès 1920, de s’appuyer sur le mouvement culturel et sportif pour opposer notre identité historique et culturelle nationale aux moyens de la ruse et aux tentatives d’asservissement spirituel et civilisationnel mis en branle, à l’époque, par la caste coloniale.

    Une des formes les plus actives de la résistance
    C’est dans cet esprit d’ailleurs qu’intervient la naissance du Mouloudia Club d’Alger, un espace d’expression qui va jouer un rôle déterminant dans la conscientisation des citoyens. Expression culturelle par excellence, le sport allait ainsi contribuer, dans ce cadre, à la promotion et à l’épanouissement de jeunes Algériens qui ne se reconnaissaient nullement dans le projet de société tel qu’élaboré par la soldatesque française sur la base de sa supériorité civilisationnelle et scientifique.
    Dans cet univers de souffrances et de violences, me confiera mon ami Omar Dib, le rappel incessant au passé glorieux, la défense du patrimoine culturel et artistique, les poèmes et les chants citadins, constituèrent l’une des formes les plus actives de la résistance face à l’occupant. Ce qui fit dire à Charles-Roger Ageron que les poètes et les initiateurs d’un tel mouvement ont bien mérité de leur peuple. Ils se sont montrés des gardiens vigilants. Ils ont dit jusque dans leur désespoir, l’invincible espérance d’un peuple croyant, que l’aube du siècle dernier galvanisa, annonciatrice qu’elle était de bouleversements en profondeur et de l’émergence de potentialités religieuses, artistiques, culturelles, intellectuelles et sportives insoupçonnées. Lorsqu’en 1930 naît l’association El-Djazaïria, la première société musicale musulmane, en pleine célébration du Centenaire de la colonisation, les milieux citadins ne manquèrent pas de pavoiser, tournant en dérision la culture de l’autre. Les rapports fructueux qui s’établirent alors entre le Mouloudia et les défenseurs du patrimoine musical classique algérois, parmi lesquels il est aisé de citer les Bensiam, Benteffahi, Bestandji, Lakehal, Khodjet el-Khil, les frères Fekhardji et bien d’autres encore, allaient contribuer valablement à l’émergence d’une vie artistique et culturelle jusque-là insoupçonnée. Notamment au siège de Nadi et-Taraqi (Cercle du progrès), avant que ce haut fait de la pensée nationaliste et de l’expression artistique et culturelle, ne soit remit aux Oulémas Algériens, symbolisée à l’époque, par l’imam El-Okbi, fraîchement installé à Alger grâce à une prise en charge et des subsides offerts par de vieilles familles algéroises, avec à leur tête Mohamed Benmerabet.
    C’est ainsi que le patrimoine musical citadin trouvera en le Mouloudia Club d’Alger un partenaire idéal qui mettra à sa disposition ses propres structures, tant pour les répétitions que pour les concerts qu’animaient, à l’époque, Mohamed Benteffahi et Mahieddine Lakehal.

    Le Mouloudia d’Alger n’est pas un club ordinaire
    Mahieddine Bachetarzi, Abdelkrim M’hamsadji, Mohamed Khaznadji, Mustapha Skandrani et Mouloud Djazouli, le doyen actuel des membres fondateurs du MCA, parlent de cette période avec beaucoup de respect et de satisfaction, puisque la même expérience sera renouvelée avec El-Mossilia, en 1932, puis Gharnata et El-Mizhar, jusqu’au jour où le chanteur nationaliste Hadj M’rizek, par ailleurs athlète du Mouloudia, enrichit cet espace par l’introduction de concerts chaâbi avec la participation du cardinal, cheikh Hadj M’hamed el-Anka.
    Rappeler ces quelques hauts faits d’un club qui a contribué pleinement au raffermissement du sentiment national et à la guerre révolutionnaire populaire est loin d’être fortuit, encore moins une vue de l’esprit. Car le MCA n’est pas un club ordinaire. Il est, et demeure, à l’image de La Casbah qui l’a vu naître, le fer de lance civilisationnel et culturel d’une société qui a brillé, et brille encore par son raffinement, son savoir-vivre et son savoir-faire, nonobstant le mépris politique dont elle a toujours été victime depuis l’Indépendance à ce jour et l’état d’amnésie dans lequel semble se complaire sa jeune progéniture.

    La citadinité et le raffinement ne s’achètent pas
    Comme le disait si bien, en réponse à une question en relation avec un éventuel retour aux affaires de Abdelkader Drif, le porte-parole de la section football, M.Azef, fils d’un des plus grands joueurs du MCA, le Mouloudia a besoin de la mobilisation de tous ses enfants, sans exception aucune. Et il n’a pas tort. Car un immense chantier attend ce club : la mobilisation et la conscientisation des supporters, ou prétendus tels, dont certains, et non des moindres, n’ont rien à voir avec le sport, flagornés qu’ils sont par des écrits autant irresponsables que déstabilisateurs, quand ils ne sont pas au service d’autres clubs. A titre d’exemple, si elle a manqué de réussite, l’équipe qui a affronté Bordj Bou-Arréridj n’en a pas moins bien tourné, nonobstant quelques erreurs tactiques engendrées par la crainte de concéder une première défaite sur son propre terrain. Et après! Une équipe ne se reconstitue pas du jour au lendemain, et des supporters qui ne s’éclatent qu’en cas de victoire ne sont pas de véritables défenseurs de leur club. Si le raffinement, la sportivité et la respectabilité devaient revoir le jour sur les cendres d’une adhésion irresponsable de quelques pseudo-supporters qui ternissent l’image d’un club sur le point de devenir centenaire, il est des enfants véritables de la famille mouloudéenne qui seraient les premiers à y souscrire et à refuser qu’une cérémonie de présentation de maillot, la première à se tenir dans notre pays, ne connaisse pas les mêmes honneurs que celle qui fut organisée à Marseille...Ceci est une autre histoire, en attendant le réveil des établissements Hamoud-Boualem et de quelques mécènes en mesure de démontrer que la citadinité et le raffinement sont loin d’être le produit d’une vision mécaniste de la promotion de l’être humain. Ils ne s’achètent pas, ils sont en nous, ou ne le sont jamais...
    Abdelhakim MEZIANI

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