•   Abderahmane AOUF

    Fondateur du MCA  

    25.4.1902  /  22.4.1989

          
     

     

    Juillet 1921...
    Place du Cheval, aujourd'hui Place des Martyrs (Sahat Echouhada), un monument érige comme un défi, face a la Casbah : la statue du Duc d'Orléans pointant son sabre sur notre citadelle, le dos tourné à la mosquée "Djamaa Ejdid".
    L'animation était grande ce jour et de jeunes enfants de la Casbah couraient, criaient a tue-tête, explosant littéralement de joie; la joie de "taper" dans une pelote faite de papier et de chiffons.
    Je me dissipais quelque peu devant cette touchante et émouvante "partie de foot-ball" improvisée. Arrive a ce moment la un groupe de militaires français juste a ma hauteur. L'un d'eux lança a haute voix et ironiquement : "Je vous présente le Parc des Princes des A-RA-BES". Cette apostrophe, telle une flèche empoisonnée, me déchira le coeur. Il fallait réagir, faire quelque chose, pour ces "A-RA-BES" pour laver ce que je considérais comme un affront.
    Je ne cessai de ressasser en mon fort intérieur "Parc des Princes des A-RA-BES" et arrive chez moi germa alors dans mon esprit un rêve, un beau rêve : fonder une authentique équipe de footballeurs spécifiquement "arabes", musulmans, la forger et l'amener un jour a rivaliser avec les meilleurs clubs européens. Des lors le problème était pose a ma conscience, mais aussi a la conscience des musulmans de bonne volonté.
    "Parc des Princes des A-RA-BES" : ces paroles me poursuivaient comme une ombre. Le soir même je me suis mis en quête de mes amis a qui je suggérai l'idée qui gagna et enthousiasma vite notre communauté. L'étincelle qui prit naissance Place des Martyrs embrasa la Casbah. Il ne restait plus qu'a passer a l'action.

    Et le 7 Août 1921, à quelques mois du "Mouloud En-Nabawi" naquit le MCA.

    Alors commencèrent auprès des autorités occupantes de laborieuses démarches : statuts avec rapport motive. A la préfecture d'Alger on s'inquiéta du pourquoi et du comment d'un club musulman.
    Je fis valoir que je me devais de consacrer mon temps et mes modestes compétences a la formation de mes jeunes compatriotes, plus a l'aise entre eux, en vue d'en faire de bons soldats; ces messieurs de la préfecture entendirent "de bons soldats français". Ah ! la belle affaire.
    Restait la question épineuse des couleurs. Pourquoi VERT et ROUGE ? me demande-t-on. Je répondis sur une note poétique :

    VERT comme le Paradis.
    ROUGE comme le sang généreux.

    Rassures, mes interlocuteurs acceptèrent la démarche d'un musulman pour des musulmans.
    C'est ainsi que la circulaire N 854 de la préfecture d'Alger portant création du Mouloudia Club Algerois fut signée, nous donnant droit d'opérer en 4ème division
    Mais il restait a résoudre les problèmes financiers afin de mettre sur rails le club. Il fallait se procurer la rondelette somme de 150 000 francs (somme très importante a l'époque, Mr Aouf ne pouvant évaluer son cours actuellement).
    Un appel a notre communauté s'avéra décevant; a peine 1 200 francs furent collectes... on était loin du compte.
    Allons-nous voir vivre notre création ce que vivent les roses.... l'espace d'un matin ? Non ! Jamais de la vie. Le feu ardent qui m'animait me permit tant bien que mal de réunir par mes propres moyens l'argent nécessaire au démarrage du MCA.
    Et une fois les conditions réunies, j'installais le premier comité directeur.
    Il est impossible de décrire l'ambiance o combien chaude et fraternelle dans laquelle nous étions plonges en ce 7 Août 1921, le jour même de la célébration du Mawlid En-Nabaoui.
    L'acte de naissance du Mouloudia venait d'être enregistre solennellement un jour sacre entre tous, dans l'explosion des pétards et l'embrasement des feux de Bengale.
    Nous avions pleinement conscience de notre mission, que nous avons choisie librement, avec désintéressement pour le plein épanouissement de notre jeunesse dans un cadre spécifiquement arabe, musulman.

    Ma joie aujourd'hui, au crépuscule de ma vie est de sentir encore vibrer dans mon coeur les "Allez Mouloudia, Allez Mouloudia" et a la pensée de la victoire du MCA contre Bastia par 6 a 3 au Parc des Princes (a Paris) je ne puis empêcher mes larmes de perler sur ma joue, larmes de pleine satisfaction de soi-même et d'un peu d'orgueil légitime aussi : par le Mouloudia et avec le Mouloudia j'ai ainsi éponge l'humiliante apostrophe encaissée un jour de Juillet 1921.

    Interview réalisée par la revue le Doyen (édition N° 2) mars 1976


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