Une saga en vert et rouge Une saga ? Assurément, oui. Elle tisse les liens profonds de la famille «en vert et rouge», imaginée, il y a 86 ans, par Abderrahmane Aouf, et portée à bout de bras par des générations émérites et néanmoins talentueuses, traversant, en météore, le ciel colonial ombrageux pour dérouler le long processus de renaissance culturelle. Alors, une légende et bien vivante ? Le Mouloudia à la consonance mythique, vénéré par le grand maître du Chaâbi, Hadj Mrizek (enfant du Mouloudia), couvé dans les arcanes fumantes de «Malakoff» et incrusté dans les venelles tumultueuses de la casbah historique, est un patrimoine inaliénable qui a transformé «le butin de guerre» en phénomène de masse véhiculant, dabord, un puissant sentiment dappartenance communautaire et ensuite, un attachement populaire sans pareil. Sous la plume experte du journaliste professionnel, du pédagogue, de lathlète de performance et dun encadreur aux qualités humaines et sportives requises, le MCA vit sa légende à la manière dun conte de fées chanté, par hivers coloniaux ou par printemps algériens, dans toutes les chaumières des humbles qui navaient pour tout idéal que des chaînes à briser et la dignité durement reconquise. Cest le 7 août 1921, sous les couleurs éclatantes du «Maoulid Ennabaoui», que la Casbah nourricière, héritière de la «Mahroussa», mystérieuse et cultivant le sens de luniversalité, a conçu dans la douleur son porte-étendard dont elle a légué les vertus immaculées de grandeur, de sacrifice, dabnégation et de résistance. Entre la Casbah et le Mouloudia, la légende est commune à la quête identitaire et à la pérennité des valeurs fondatrices de liberté, de justice et démancipation. Il en résulte, dune part, le mouvement didentification que seul le MCA peut susciter dans lAlgérie historique et contemporaine et, dautre part, le caractère sacré de luniversalisme cher à la Casbah dEl-Anka, Zinet, Camus, René Guenon... Momo, son enfant légitime, travaillant à la définition de l«identité suprême», considère que la Casbah est «le terrain de deux périodes de lhistoire contemporaine de cette cité marquée par la lutte entre les deux formes de civilisation, celle de lOrient et de lOccident, et leurs conceptions différentes de lhomme et du monde». Son ami de toujours, Djamel Azzi, dans son ouvrage, «Momo miroir de la Casbah», le dépeint ainsi tel «un miroir reflétant ce que la vieille ville a su dégager comme grandeur et gloire passées, mais aussi et surtout ce quelle a produit comme fruits doux amers nés à travers les âges du choc et de la cohabitation en son sein de cultures et didentités différentes». La citadelle imprenable, à la blancheur du lys, belle comme jamais aucune de ses semblables maghrébines, africaines, orientales ou occidentales na su lêtre, murée dans son silence souverain, inondée de senteurs, darômes et dun parfum de rascasse, forme le substrat et le corps social qui coule dans ses veines bouillonnantes dispensant le contrat identitaire conclu dans le monde grouillant des rues évocatrices. Elles sont sublimées par lacadémicien Louis Bertrand qui y a vécu une dizaine dannées, à partir de 1891. «Rue de la Mer Rouge, rue des Pyramides, rue de la Girafe, rue du Palier, rue de Grenade... cest, dit-il, lAfrique du tour du monde et des livres dimagesoasis, caravanes, chameaux et chameliers, explorateurs et tueurs de lions. Là-bas, rue des Lotophages, nous voici en pleine antiquité homérique... Les Syrtes de la Libye fument derrière les lignes de sable. Ulysse et ses compagnons débarquent sur linhospitalière côte africaine... Rue Hannibal, on songe à Carthage, on voit Salammbô qui danse sur sa terrasse, au clair de lune, devant le golfe endormi...Rue Micipsa, rue Jughurta, rue Caton, rue Sallustre, Histoire numide et romaine... Rue des Abderames, rue des Maghrébins, rue Barberousse. Voici le flôt de lIslam... LAfrique des croisades, des corsaires, des esclaves et aussi celle des mille et une nuits..» La nuit mouloudéenne de la Casbah, trônant sur toutes les casbahs du monde, baigne le mouvement révolutionnaire en ébullition. Sur les traces du CSA, dissous une année après son apparition (1917), leffet baptismal du MCA le prédestine à un combat inégal contre toutes les formes dinjustice et de privation. Avec un sens de lorganisation rare de nos jours, une équipe dirigeante unie dans ladversité et la quête dun idéal commun, la légende en vert et rouge commence là ou le combat de la dignité force les remparts de la barbarie coloniale. Elle fait, dabord, intrusion dans la cour très sélecte des congénères et des coreligionnaires de Bugeaud à Massu. Elle saffirme, enfin, sur les terrains de la lutte où il nest pas facile de livrer bataille et, plus encore, de bousculer les mythes évanescents dune suprématie civilisationnelle. Le MCA est sur tous les fronts. La guerre à balles réelles entreprend de lézarder les vieux dogmes aux couleurs des clubs nantis de Saint-Eugène (ASSE), Hussein-Dey (OHD), le Gallia sports (Alger-Centre), Blida, Boufarik et Marengo (Hadjout)... Lexpédition, longue et titanesque, a imposé une fulgurance algérienne dans le ciel colonial davantage assombri par le retrait de toutes les formations indigènes de la compétition sportive et lavénement de léquipe combattante du FLN. A grands traits et à coups danecdotes croustillantes, lauteur de «la Légende vivante», Lounès Belkheir dit Abdennour, a fidèlement reproduit le rêve insensé de son père spirituel, de ses fondateurs et de la grande famille mouloudéenne battant pavillon de lAlgérie de la dignité et de la résistance. Pas à pas, il a accompagné la gestation et la maturation dune idée en phase avec les valeurs fondatrices de lAlgérie renaissante. La saga nen est que plus belle. Et, tout naturellement, elle a servi de formidable levier au mouvement démancipation sportif. La marque déposée MCA est un label qui a transcendé les schémas réducteurs et, par un soir inoubliable au temple du 5-Juillet, avalisé la voie africaine de lAlgérie qui gagne. Mais, la patine du temps usant le formidable gisement du jeu à onze et son potentiel rassembleur, lhégémonie incontestée du club pluridisciplinaire le rend plus que jamais maître de son art.
La saga en vert et rouge est bien une légende aux expressions plurielles.
MCA «La légende vivante» de Belkheir Lounès dit Abdennour, ouvrage illustré et documenté. Edition : La Maison des livres (doyenne des Maisons dEditions)