Aïssa Draoui, le talent éternel
Dimanche 23 Juillet 2006
Par Rachid Saadoune (la tribune)
Lancienne vedette du Mouloudia dAlger et de léquipe nationale de football des années 1970, le feu follet dont on retient les déboulés à partir du milieu de terrain où il tirait ses forces, linénarrable Aïssa Draoui, est parti hier. Sur la pointe des pieds. Lex-ancienne gloire du doyen des clubs algériens avec lequel il écrira lune des plus belles pages du football algérien a choisi de séclipser dans un assourdissant anonymat après avoir mené, dans la dignité propre aux gens humbles, un dernier combat contre une maladie qui le rongeait depuis sa retraite sportive. Aïssa Draoui, le Maradona algérien en raison notamment de sa physionomie et de son immense registre technique, a rendu lâme après un énième séjour à lhôpital (il se trouvait depuis le 13 juillet dernier à lhôpital psychiatrique Djebel Ouahch de Constantine où il a été admis en urgence en raison dune nouvelle crise), le destin ayant voulu que lenfant de Skikda, qui a débarqué il y a plus de trente ans dans la capitale avec une bande de copains tout aussi doués et aux qualités incomparables à limage dun autre lutin aux mêmes caractéristiques (le petit Naïm qui fera les beaux jours du NAH Dey) naura finalement joui quune seule année de sa retraite.
Ce joueur de poche qui aura donné tant de soucis aux plus grands défenseurs du pays (limmense Keddou se souvient sûrement de cette finale jouée et perdue 4/2- par lUSMA face à son frère ennemi du MCA et surtout de cette action lumineuse partie des pieds de ce magicien qui savait dompter comme rarement le cuir mais qui terminera, pour cause de blessure, sur une civière) et constitué un véritable cauchemar pour les meilleurs gardiens. Parmi lesquels on citera le géant Attouga quil mystifiera plus dune fois. Lartiste Draoui a tiré sa révérence après tant de matches gagnés contre le sort et un quotidien pas toujours facile à porter, son entourage rappelant que ses derniers jours ont été marqués par une forte tension dépressive quil a eu à vivre douloureusement à plusieurs reprises depuis le début des années 1990.
Draoui, qui était âgé de 56 ans, vient de réussir un ultime dribble et rappelle ses fans aux bons souvenirs des beaux jours de la JSM Skikda et du Mouloudia dAlger quil mènera avec le concours dune génération de surdoués du ballon rond dans le pays (ils ont pour noms Betrouni, Bachta, Bachi, Bencheikh et Bousri qui constitueront la fameuse attaque mitrailleuse) dabord au sommet de la hiérarchie nationale (il a gagné deux coupes dAlgérie et deux titres de champion), quil déposera ensuite sur le toit du continent (la 1ère coupe dAfrique des clubs champions ayant pris la direction dAlger) et, enfin, en soignant un palmarès assez riche en y ajoutant deux coupes arabes. Pour clore un chapitre qui fera date dans lhistoire du sport roi national, il sen ira, en compagnie de ses compères du MCA et sous la coupe du maître Rachid Mekhloufi permettre à léquipe nationale de décrocher, en 1975, son premier titre majeur sous la forme dune médaille dor arrachée de haute lutte à lissue dune finale (contre la France sil vous plaît) des Jeux méditerranéens à suspense. Qui restera à jamais gravée dans les mémoires. Réagissant à son hospitalisation jeudi dernier, la fondation Braham Derriche devait dépêcher une délégation à Constantine afin de se rendre à son chevet et lui apporter le soutien de la famille mouloudéenne comme le précisait son président et ancien coéquipier, Zoubir Bachi, qui disait : «Nous sommes très touchés par ce qui arrive à notre ami Aïssa qui a beaucoup donné au football national. Nous ferons ce qui est en notre possible pour laider au mieux lui et sa famille.» Draoui, petit par la taille mais tellement grand par le talent, séclipse ainsi en écrivant la fin tragique dune histoire où il a fait tant rêver. Adieu magicien !
R. S.