Le grand Aïssa Draoui nest plus
Draoui Aïssa nest plus. Le pied magique du MBS (l'actuelle JSMS) et du MCA, dans les années davant la glorieuse épopée de Gijon, vient de séteindre à lhôpital psychiatrique de Djebel El Ouahch, à Constantine, dans laprès-midi de vendredi, à lâge de 56 ans.
Linformation divulguée un peu tard dans la soirée a, comme attendu, mis en émoi la population locale. Admis à lhôpital psychiatrique depuis le 5 juillet, deux jours seulement après la réussite de sa fille à lépreuve du bac, le stratège skikdi a laissé un grand vide qui ne sera pas oublié de sitôt. Cest lun des meilleurs n° 10 dAlgérie, Rachid Mekhloufi le considère comme le meilleur de sa génération. Il a quitté la scène sportive locale et nationale, en 1981, quelque temps avant que léquipe nationale nhumilie logre allemand, un certain 16 juin, au Mondial espagnol 82. Employé à lENIP, modeste en dépit de sa légendaire aura dans lenvironnement algérois et gérant au mieux ses affaires familiales et sa maladie (il était dépressif, raconte-t- on), lartisan de la victoire contre la France, en finale des Jeux méditerranéens de 1975, naccusait pas bien le coup de la perte, en quelques années dintervalle de ses parents. Cétait, aux dires de quelques-uns, la cause la plus apparente de son retrait définitif du sport et de la vie professionnelle, dans les années 1990. Draoui Aïssa est détenteur du titre de champion dAfrique des clubs champions avec le MCA en 1976 et du titre de sacré meilleur joueur dAfrique durant les Jeux africains de 1978, il a réussi aussi grâce a son talent de maintenir le MBS, pendant trois années, de 1978 à 1981, a une reluisante première place aux premières loges du championnat sans lui assurer malheureusement laccession, et ce, a cause de lapplication de la réforme sportive de 1976. Aussi populaire à Skikda quà Alger, et peut-être au CSC avec lequel il a joué 15 minutes avant de senvoler pour léquipe militaire, celui «qui nattend pas ton appel de balle pour vous servir des balles décisives», selon les dires dun ex-coéquipier, na pu, a linstar de joueurs peut-être moins talentueux que lui, embrasser une carrière internationale, en dépit des contacts de clubs français du Red Star et italien de lInter de Milan. Une petite consécration suprême qui na pas «épargné » Draoui Aïssa dêtre qualifié de grand joueur.
Zaïd Zoheir
Destin
Le football national continue de manger son pain noir. Sur les terrains et même en dehors. Nos sélections, jeunes et adultes, ne font plus le poids devant ceux qui étaient censés des pays et des clubs bas de gamme. Les déboires succèdent aux naufrages, avec la même vitesse, le même tempo. Pour se justifier, la plupart des responsables de ces fiascos à répétition se renvoient la balle, et certains sont même allés jusquà accuser les anciennes gloires davoir abandonné le sport roi en préférant se consacrer aux commerces du fast-food quà faire bénéficier les nouvelles générations de leur expérience. Ce qui est, admettons-le, vrai dans un sens. Mais, que pouvaient ces gloires dantan face à la voracité de ses requins dune autre espèce ? Rien, où pas grand-chose. Fergani, Bachi, Belloumi, Lalmas, Melaksou, et beaucoup dautres ont tenté de revenir, sans grande réussite dans la mesure où ils seront aussitôt livrés par qui vous savez à la vindicte populaire. Lexemple de Madjer peut-il satisfaire ces bourreaux dun autre genre ? Aïssa Draoui, le petit lutin skikdi des années 60/70 qui enchantait les stades de lAlgérie et ceux dAfrique surtout, nest plus. Il est mort comme il avait quitté son loisir de jeunesse. En silence, sans faire de tapage. Sans aussi permettre aux jeunes de connaître ses uvres dil y a trente ans. Ses frasques aussi avec le fantasque portier tunisien, Attouga. Ses dribbles, ses crochets et ses feintes qui déroutaient tant et tant de robustes et accrocheurs adversaires. Keddou qui était son équipier en sélection sest même cru obligé de venger ses camarades déroutés par le talent de Little Big Man. Ce jour, dans une finale de la Coupe dAlgérie, la seconde qui opposait le Mouloudia de Draoui à lUSM Alger de Keddou, cest sur une civière que le lutin quittait le terrain, remplacé par
Abdenour Kaoua, le gardien en second du MCA. Draoui répondait à chaque fois à ses agresseurs par son petit sourire dont il a le secret, mais aussi par des revanches sur le terrain. Mais, la vie dun homme dun footballeur de surcroît, est pleine de surprises, de malheurs. Et en être fragile, sentimental, Aïssa se laissait emporter par le chagrin à chaque coup du sort. Celui qui verra ses parents rappelés à Dieu ne se relèvera plus de son terrible choc. Surtout que parmi ses anciens amis, dirigeants et fans, rares sont ceux qui lui sont restés proches. En tout cas, pas suffisamment pour surpasser ses malheurs. Même les médias lont enterré aussitôt les crampons raccrochés. Il fera, depuis quil a quitté le monde du sport, de brèves apparitions publiques, à loccasion de certains jubilés. Comme Miloud Hadefi, terrassé par une crise cardiaque le 6 juin 1994, Draoui a quitté ce bas monde dans lanonymat. Il na même pas le temps de fêter le succès au baccalauréat de sa fille puisque 48 heures après lannonce des résultats, Draoui est transféré en urgence à lhôpital doù il ressortira sans vie
Mohamed Bouchama
Témoignages
Bachi Zoubir, Betrouni Omar, Attar Braham et Bencheikh Ali étaient présents hier à lenterrement qui eu lieu après la prière dEl-Assar. Contactés, Bachi et Betrouni qui lont connu dabord en sélection nationale juniors se sont exprimés.
Bachir Zoubir : En dehors de ses grandes qualités footballistiques Draoui Aïssa était une personne très sensible. Betrouni Omar et moi-même lavions connu en équipe nationale juniors en 1968. Et on causait beaucoup lors de nos déplacements à létranger. Dailleurs, en raison de son talent et son excellent état desprit, jai conseillé aux dirigeants du MCA de lenrôler. Une fois au Mouloudia dAlger, Draoui na jamais eu danimosités envers les joueurs. Cest une perte. On ne peut dire plus. Il était un homme au sens propre du terme.
Omar Betrouni : Je pense que Zoubir a tout dit. Draoui Aïssa était très doué pour le football, et était estimé par tous. Bien quil était très réservé, Aïssa était sympathique.
Propos recueillis par Chafik B.