MEZIANI Abderrahmane a débuté au MCA !!!
Ancienne coqueluche de l'USMA et de l'équipe nationale
On aurait aimé lécouter raconter à nen plus finir ses anecdotes grandes ou petites et ses bribes de souvenirs. Vous comprendrez bien, hélas, que les circonstances nous enlèveront ce plaisir !
Le débit lent, la langue encore lourde, Dahmane soupire, un peu las, en essayant avec courage de surmonter ce cap difficile. En convalescence en France parmi les siens, il sait que le plus dur est passé. Plus de 22 mois sont passés depuis le grave accident cérébral qui la affecté en ce funeste 1er mai 2006. On avait craint le pire pour lui. Il dut rester en semi-coma pendant plusieurs jours avant dêtre transféré en France. Lépreuve a été difficile pour lui et ses proches. Il a fallu du temps pour se réveiller du cauchemar. Le Dr Rachid Lalla nuse pas de pirouettes pour dire ses sentiments envers son ex-coéquipier. « Jai eu la chance davoir joué à lUSMA et le privilège davoir côtoyé ce monument. On ne peut parler de lUSMA sans évoquer le nom de Meziani. Cest un gentleman, un artiste qui faisait vibrer les stades. Sa gentillesse, son humilité font de lui un joueur exemplaire. » Enfant, il était doué, il promettait beaucoup, témoigne son frère Boualem qui lentoure de tous les soins depuis ses ennuis de santé. Abderahmane na-t-il pas été le plus jeune international à endosser les couleurs nationales le 4 janvier 1963 ? « Ce jour-là, il eut le culot de marquer un but historique qui valut au Onze national son premier grand succès (2-1) face à la Bulgarie. Dans leuphorie de lindépendance, cétait la cerise sur le gâteau », se rappelle Hamid Benkanoun, ancien attaquant des Rouge et Noir des années 1960. Dans son club, Meziani formait avec Krimo Rebbih et Hamid Bernaoui un trio magique. Meziani doit ses exploits à sa classe, sa facilité du dribble. « Lorsquil attirait son vis-à-vis vers le flanc, je ne vous dis pas les dégâts quil occasionnait au défenseur, à la grande joie des supporters ravis, se souvient Sid-Ali, vieux fan aujourdhui désabusé par la situation de léquipe. Le dribble de Meziani, qui était irrésistible, le faisait tomber cependant dans son péché mignon, « le petit pont » dont il raffolait et un individualisme excessif. Ses « fantaisies » faisaient entrer parfois son entraîneur Bellamine dans une colère noire, mais ce dernier, magnanime, savait pardonner. Un jour, Bellamine, homme pondéré, mélange de sagesse et de malice, nous avait confié : « Le jour où Meziani jouera pour léquipe, il deviendra sans doute lun des joueurs algériens de premier plan. »
Feu follet sur le terrain, Dahmane dans la vie de tous les jours est aussi discret qu'une ombre. Youb et Meziani se sont connus très jeunes au quartier. Le premier jouait au sporting de Bab El Oued, le second au Mouloudia. Les deux compères ne se quittaient pratiquement jamais. « Meziani, cest un frère pour moi. Derrière sa fausse nonchalance se cache un joueur de grande classe, un homme extraordinaire, affable, peu loquace, doté dune grande intelligence. Des joueurs de sa trempe, on nen fait plus hélas, regrette Nounou Youb, supporter éternel des Rouge et Noir. Maintenant quil se rétablit, Dahmane a besoin du soleil de son pays, de ses amis, de son environnement habituel. Vivement quil revienne parmi nous. » Youb, qui lui a rendu visite à la Fondation Rotchild en France où il était hospitalisé, a constaté lévolution de son état. « Au début, il était dépendant à 100%. Son épouse, tout le temps à ses côtés, a été dun apport et dun courage exemplaires », relève-t-il. Retour en arrière pour cerner la personnalité de celui que les supporters affublèrent du sobriquet « Mezmez ». Il entama sa carrière au Mouloudia d'Alger en 1955, puis opta pour l'ASPTT avant de signer pour lASSE considéré à l'époque comme un vivier de talents. Abderahmane est champion d'Algérie à 17 ans où il marqua un but d'anthologie contre Sidi Bel Abbès. A l'indépendance, il ne pouvait pas aller ailleurs quà l'USMA dont Hadj Kemat était un dirigeant influent. « Cest lui qui ma suggéré ce club. Je ne pouvais pas lui dire non, comment pouvais-je refuser à Kemat, mon oncle ! Cest lui qui a réuni une pléiade de grands joueurs comme Nassou, El Okbi, etc. pour former ce qui allait être l'une des meilleures formations du pays.
« En équipe nationale, le but que jai marqué contre la Bulgarie restera gravé dans ma mémoire. Cétait mon baptême de feu en sélection face à une équipe qui venait de battre la France en éliminations de Coupe du monde. Le sourire bienveillant, Dahmane conte les péripéties de sa carrière avec des détails précieux. Reconnaissant, il aura toujours un mot tendre pour ceux qui lui ont donné quelque chose comme les entraîneurs De Villeneuve à lASSE, Bellamine, Chaïd Ali ou Bentifour, même si sa préférence va à Saïd Amara. « Lun des meilleurs entraîneurs dAlgérie. Un homme qui connaît son métier sur le bout des doigts et ce qui ne gâte rien a aussi été un grand défenseur. » Dahmane fait appel à ses souvenirs pour nous conter, un brin amusé, les deux buts inscrits contre la Libye à Tripoli et lanecdote qui sen suivit. « Après le match, on a eu quartier libre. On est sortis Boubekeur, Nassou et moi ; on a loué une calèche dont je tenais les rênes. A un moment, la calèche simmobilisa net devant un feu rouge. Ce qui fit dire à Boubekeur ici même le mulet respecte le code de la route : On avait beaucoup ri ce jour-là. » Lorsquon lui suggère de nous relater son meilleur souvenir, Meziani nhésitera pas un seul instant. « La victoire contre le MCA et le but inscrit après avoir fait un petit pont à Maloufi. » On vous le disait : « Dahmane ne pouvait se passer de son péché mignon. Son plus mauvais souvenir : « les 9 finales de coupe dAlgérie perdues par l'USMA ». Il nen fera pas de commentaires, lui qui suit de loin lévolution de notre football au creux de la vague. « Il a touché le fond. Pire que ça, je ne vois pas. Des éliminations précoces dans les différentes compétitions, un niveau bas. Bref, un mauvais feuilleton qui caractérise chaque week-end les péripéties dun championnat sans saveur, truffé de scandales. Jusquà quand devra-t-on se complaire dans cette situation peu enviable », sinsurge-t-il avec lespoir que les choses évolueront peut-être un jour dans le bon sens. Et l'USMA ? « Elle est à limage du football national dans sa globalité. Cela nous fait mal de voir un tel gâchis. Pourtant, les moyens existent et les conditions sont bien meilleures quà notre époque », regrette-t-il amer avant dajouter dépité : « Vous navez quà voir léquipe nationale, cest une véritable catastrophe. Avant, il y avait des joueurs de talent comme Selmi, Lalmas, Mattem, Guitoun. Aujourdhui, se lamente-t-il, on a limpression que les joueurs ont l'esprit ailleurs, ne jouent pas avec cur. » Meziani a gardé contact avec ses anciens amis dont certains lui ont rendu visite pendant son hospitalisation, comme Saâdi Abdelkader, Bachi, Guedioura, Belbekri, les frères Tahir « Le football, insiste-t-il, ce nest pas seulement sur le terrain, cest une école de camaraderie qui renforce les liens entre les hommes et les peuples. »
Mouldi Aïssaoui a connu Meziani en 1967 quand il est venu à lUSMA. « On est vite devenus des complices, soudés par une amitié totale avec des sentiments très forts. On ne simaginait pas ailleurs quà l'USMA. Même les offres mirobolantes naltéraient pas notre amour pour le club. Meziani cétait la vedette. Il avait lhabitude de venir le dernier pour sortir des vestiaires le dernier, dans le but avoué de tenir en haleine les supporters. A certains moments, je traînais dans les vestiaires pour le taquiner, juste pour blaguer, alors nerveux il minterpellait. Quest-ce que tu attends pour sortir. Pour lanecdote, on était partis à Tunis pour joueur la coupe du Maghreb des clubs. La veille du match, on avait joué au poker. Meziani avait raflé la mise. Alors faisant mine dêtre démoralisé, je lui avait dit quil ne fallait pas compter sur moi pour le match. Instinctivement, il nous a remis notre argent. Il y avait une ambiance indescriptible quon ne trouve plus maintenant. En tout cas moi, je me considérais à l'USMA comme étant dans ma famille. » Selmi Djillali, qui a été lui aussi un artiste dans son genre, se souvient de la classe de Dahmane. On était à l'OMR et on allait le voir jouer à Saint-Eugène. Après, jai joué contre lui, nous sommes devenus amis. Le hasard a voulu quon se rencontre en 2000 aux Lieux saints lors du pèlerinage. Meziani, confie-t-il, « est doté dune classe indéniable. Cest un joueur subtil qui sait transpercer les défenses et faire basculer un match. Cest un homme charmant plein dhumilité et fidèle en amitié ». Ghazi Djermane est aussi lami des bons et mauvais moments. Des amis intimes et de longue date. En 1960, on a joué la coupe de France. Le Gallia contre l'ASSE. Moi je jouais au Gallia. Dahmane devait venir me chercher au Clos Salembier pour descendre au stade des Anasser. Il avait une Vespa, lun des rares à en posséder. Je lai attendu, mais à une demi-heure du match, jai perdu patience et je suis parti en trombe au stade. Jai appris par la suite que Dahmane a été arrêté au Boulevard Bru par les flics gallistes qui voulaient lempêcher de jouer. Son entraîneur De Villeneuve hors de lui, ne voyant rien venir, a dû procéder à son remplacement par Guerrache ! Lehtihet Bachir, lincontournable défenseur de la JSD la connu au lendemain de lindépendance. « Il faisait partie de léquipe du Croissant-Rouge de la zone autonome qui avait fait une tournée dans le Constantinois et joué contre une sélection de Jijel dont je faisais partie. Depuis on a lié une solide amitié. Je peux témoigner : Meziani est un monsieur avec un grand M. Quoi de mieux pour décrire cet artiste à qui on souhaite un bon rétablissement et un retour rapide parmi nous. »
Abderahmane Meziani né le 12 mai 1942 à Alger est issu dune famille respectable de commerçants. Après avoir joué en minimes au MCA, il opta pour l'ASPTT pour signer une licence à lAS Saint-Eugène qui renfermait des joueurs de grande valeur. A lindépendance et à linstigation de son oncle Hadj Kemat, il intègre lUSM Alger quil ne quittera plus. Son premier titre, il le gagnera avec son équipe en 1963 face au MCA 3-0. Il eut l'insigne honneur de donner la victoire à l'Algérie face à la Bulgarie (2-1) en 1964. Sélectionné à plusieurs reprises en équipe nationale, Abderahmane s'est distingué par son jeu subtil, ses dribbles déroutants. Il dit sa peine de voir le football national tomber aussi bas. « C'est une catastrophe », constate-t-il amer.