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Par sebbar1 le 13 Septembre 2005 à 16:06
Smail Khabatou Doyen Du Football Algerien....
« Si le Mouloudia métait conté »
Khabatou se souvient avec amusement de son premier contact avec le football. Il en parle avec un rire entendu. Il a failli ne jamais pratiquer ce sport quil chérit tant. Eh oui !
Yeux vifs, la mémoire rarement prise en défaut, le corps entretenu avec une certaine élégance, il dira aujourdhui du haut de ses 85 ans, quheureusement le sort en a décidé autrement, sinon sa vie aurait pris une autre trajectoire. « Au début des années 1930, je voulais signer une licence à lOMR comme tous les jeunes du Ruisseau. Malheureusement, à la visite médicale, le docteur a estimé que jétais trop fragile, donc inapte à jouer au football. Cest la première des réponses que ce sport ma donné », tranche-t-il. Il en a été malade, mais il ne sest pas découragé pour autant. « Cela ma motivé à faire des exercices physiques à la forêt des Arcades, qui surplombe le stade municipal. » Cette façon de faire a payé, puisque la saison suivante, il est passé devant le même médecin qui lui a donné le feu vert, comme si de rien n était. « Cest comme ça que jai fait mon baptême du feu à lOMR. Trois années après je suis parti au Stade algérois de Belcourt où nous avions remporté le championnat dAlger. » Cétait en 1937. Khabatou fouille nerveusement dans sa paperasse, en sort une vieille photo où il pose avec ses coéquipiers. Assis à gauche, celui qui deviendra un illustre personnage, avec lequel il avait noué une solide amitié. « Cétait Roland Dumas qui a été ministre français des Affaires étrangères et avocat de renom. Il avait de grandes qualités humaines et techniques. On sappréciait et il ne manquait pas de me dire quil admirait mon jeu. » De là, Smaïl est parti au Mouloudia pour une longue et excitante carrière parsemée de sélections en équipe dAfrique du Nord, et celle dAlger. A 26 ans, il franchit le pas pour embrasser une carrière dentraîneur. Il retrouve lOMR dont il devient lentraîneur attitré. « Une belle revanche sur le sort et sur le médecin qui avait dans un premier temps, essayé de me dissuader. » Ses examens réussis, il monte à Reims pour passer le stage national français du fait quil figurait parmi les quatre premiers classés en Algérie. Sur une centaine de candidats, Khabatou décroche la sixième place qui fait de lui lun des techniciens les plus cotés de lépoque. De retour à Alger, il entraîne le MCA aux côtés de Fouila. Sensuit une longue série de succès, synonyme de gloire. Le Mouloudia est désormais lun des clubs les plus enviés. Coupe dAlgérie, championnat et une audience de plus en plus large qui lui permettra, bien après, daller taquiner lAfrique. « Après la coupe du Maghreb, nous avons décidé à Tunis, avec Drif et les autres, dengager le MCA dans laventure africaine en 1976. Nous avions bien visé. » Mais bien avant, Smaïl a eu linsigne honneur dêtre le premier entraîneur national post-indépendance. A son actif, une victoire éclatante sur la RFA (2-0) au stade municipal, qui a valu à lentraîneur allemand dêtre démis de ses fonctions et à léquipe algérienne, dentrer déjà, de plain-pied, dans le jardin des grands. Mais cest indéniablement le Mouloudia qui la absorbé, ce club qui coule dans ses veines, au point quil ne peut parler foot sans en référer au vieux club algérois, en évoquant les jours heureux, avec un brin de nostalgie. « La vie au Mouloudia, bien que familiale, était très stricte. Nous y avons passé de bons moments dans un environnement agréable où la compétition simposait, à nous malgré nous, parce que cétait une lutte Français/Algériens par sport interposé.
Un esprit de lutte formidable
Il y avait un esprit de lutte formidable qui habitait tous les joueurs, même ceux qui nétaient pas obligés de se défoncer comme cet Argentin qui évoluait au Mouloudia du nom dAlbor, qui sest battu de tout son cur, de tout son corps, pour défendre nos couleurs, contre les clubs européens qui utilisaient tous les moyens pour nous humilier... En effet, comme le notait le regretté Flici, le Mouloudia était victime des arbitres pieds-noirs. Surtout Attanasio, surtout Rivieccio, surtout Cabot, surtout... victimes darbitres qui nétaient jamais au-dessus de tout soupçon. Le Mouloudia, cest le contraire du Red Star, de lOHD, du FCB, du Rua et surtout du Galia. Limportant, disait-on, cest que lon soit classé avant le Galia, avant les enfants de Charlemagne... » La ferveur sestompe, lorsquil sagit daborder les affronts subis par léquipe actuelle. « Moi jai toujours soutenu que le football doit revenir aux footballeurs ». Il faut que le foot soit propre. Lest-il actuellement ? « Non », répond Smaïl, car dit-il, « il y a trop dargent en jeu. Largent devient le maître à bord. La valeur sportive ne correspond pas à la valeur marchande. On a tout galvaudé », regrette-t-il. « Lorsquon ramène un entraîneur belge pour entraîner léquipe nationale avec une mensualité de 25 000 euros alors que lui nest pas formé pour former une sélection nationale, je trouve cela scandaleux. On ne peut élever le niveau de pratique et de connaissance, par largent seulement. Nous sommes devenus les derniers de la classe, alors que notre place est parmi les leaders en Afrique. Cela mamène à dire que le meilleur des jardins ne peut donner que le fruit quon a semé. Il faut choisir larbre quon veut planter. On connaît, sur le visage de lêtre humain, les qualités quil recèle intérieurement. » Toutes ces métaphores pour éviter de froisser, même sil en a gros sur le cur, à telle enseigne quil sest joint à un groupe de protestataires, anciens Mouloudiéens, pas du tout satisfaits de la tournure prise par les événements au sein du club. Khabatou serait-il un élément déstabilisateur ? Il sen défend. « Dabord, la déstabilisation dont vous parlez nest pas lobjectif des gens qui ont pris cette initiative et qui, quoi quon dise, ont le Mouloudia au cur. Le problème est que, à partir de certains résultats, de certaines pratiques de gestion, la situation actuelle du MCA ne répond pas au niveau de considération de cette équipe. Cette respectabilité perdue, le vieux club algérois la cherche pour sériger parmi les guides du foot national, à linstar des grands clubs comme Manchester, Real Madrid, le Bayern... Cest en tous les cas le vu de Khabatou et ses pairs... » Mais peut-on se comparer à ces « mastodontes » du ballon rond lorsquon na même pas de stade pour sentraîner ? « Vous mettez le doigt sur un problème fondamental. Le développement dun club nécessite la mise en place de tous les moyens. Le MCA a les capacités de posséder son propre stade pour que la jeunesse quil draine, et Dieu sait quelle est importante, puisse sexprimer dans les meilleures conditions. Il ne faut pas raisonner et travailler comme il y cinquante ans. » Le MCA fonctionnerait-il à la nostalgie ? « Non, répond Smaïl, la nostalgie, cest pour les gens qui ne sont pas en activité. On ne peut pas vivre sur son passé, qui est un vecteur potentiel qui oblige lindividu à donner tout ce quil sait. Aujourdhui, le foot algérien est pris en otage. Il est dans une orientation qui nest pas la sienne et qui, de surcroît, nest pas la bonne... » Pour illustrer cette descente aux enfers, lexemple mouloudéen est le plus indiqué. Mais léchec de Abderahmane Mehdaoui, ancien élève de Khabatou au Ruisseau, nest-il pas aussi léchec de âmi Smaïl ? La réplique fuse : « Mehdaoui, qui est un brave gars, a travaillé en solo. Il lui a manqué la formation en tant que joueur dans une équipe. Cest cela le grand problème. Parce quil avait des connaissances et une formation théorique, il a cru quil était possible de diriger une équipe. Or, ce nest pas suffisant. La pratique est plus importante que la théorie... »
Un ADMIRATEUR DE HADJ EL ANKA
En dehors du foot, on sait que la musique occupe une place prépondérante dans la vie de Khabatou. Dans la pièce où il nous accueille, trônent des photos de Hadj El Anka. « Je suis un admirateur dEl Hadj. Cétait ma jeunesse. Je suis un fils de La Casbah. El Anka était élève de mon père, alors imam de la mosquée Sidi Ramdane. Mon défunt père a décelé chez El Anka des capacités exceptionnelles qui lont amené à travailler avec limam de Sidi Abderrahmane. Cest comme ça quil a appris le Coran. Il a mémorisé toutes les sourate et il connaissait ses chansons par cur... Moi jai grandi avec la musique chaâbie. Jai touché un peu à la guitare et au piano, mais cest le chaâbi qui ma marqué. Jappréciais El Hadj Mrizek, Mouloudéen pure souche, El Hadj Menouer, Marokène... On était en relation constante, du fait que le Mouloudia, club populo, charriait toutes les couches sociales, sans distinction. Cétait lune des forces du foot de lépoque qui cohabitait, avec intelligence, avec la musique. Durant les fêtes familiales, lempreinte du club était perceptible. Cest pour cela que je persiste à dire que tant que le football ne sera pas repris dans une démarche de groupe, il ne relèvera pas la tête. » Le foot, la musique sont les hobbies de notre vieux jeune interlocuteur.
Khabatou en évoquant sa riche et longue carrière nomet pas de parler de sa parenthèse blidéenne dont il na gardé que de bons souvenirs. « A Blida, jai vraiment trouvé des dirigeants de compétence qui ont su mécouter comme le Dr Bachir, un grand monsieur, à lorigine de lémergence de lUSMB. » Cest avec lui, Benarbia et bien dautres quon a pu faire un excellent travail à Blida avec léclosion de joueurs du cru comme Mazouza, Zouraghi, Guerrache, Begga, Sellami et dautres...
Le dernier mot, Khabatou le réserve au Mouloudia éternel qui ne saurait se morfondre dans la médiocrité
Il exhorte tous ceux qui ont le MCA au cur de redresser la barre et damorcer ce sursaut dorgueil qui, au moins, lavera le club des affronts subis, qui, apparemment, ont fait tant de mal..Parcours
Naissance à La Casbah dAlger en 1920. Commence la pratique sportive à lOMR en 1933. Signe sa première licence au Stade algérois de Belcourt en 1937. Retourne à lOMR, en qualité dentraîneur en chef. Il a été entraîneur du MCA aux côtés de Fouila. Depuis, cest une longue lune de miel avec le doyen des clubs algériens. A lindépendance, Smaïl Khabatou est intronisé premier sélectionneur national. A son actif, une brillante victoire sur lAllemagne (2-0) au stade du 20 Août. Il entraîne lUSMB et dautres clubs, mais cest le MCA qui accapare toute sa vie sportive. Il contribue avec Zouba à donner au MCA son premier titre continental en 1976 au détriment de Hafia Conakry. Plusieurs fois directeur technique, Smaïl est considéré comme le doyen des entraîneurs, une caution morale. Khabatou est détenteur de diplômes dentraîneur de haut niveau acquis à la fin des années 1940, en France.
Article paru dans le quotidien El Watan (Alger) le 9/12/2004
Tahri hamid
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