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Hadj El-ANKA le Mouloudéen
HALO M'hamed
"Hadj M'hamed El Anka"
"La légende du siècle"
Originaires d'Azzefoun, les parents d'El Anka se sont très tôt installés à La Casbah d'Alger. Ce fut dans ce quartier populaire, rue Tombouctou qu'est né un certain 20 mai 1907 celui qui deviendra le précurseur du chaâbi. Son vrai nom est Aït Ouarab M'hamed Ouidir Halo. Par inadvertance, sur le registre de l'état civil fut ajouté Halo. Son oncle maternel, chargé de l'inscription a répondu "Khalou" ("Ana Khalou" : je suis son oncle) au préposé au guichet qui cherchait à compléter le nom du petit. Ainsi, Khalou fut traduit par Halo.
Le chaâbi sous sa forme actuelle, doit son existence à Hadj M'hamed El Anka. Il est le créateur incontestable de ce genre particulier de musique populaire qui tire son origine du Moghrabi dont le maître fut cheikh Mustapha Nador. Ce dernier, ayant remarqué El Anka, juste âgé de treize ans, l'intégra dans son orchestre où il fit ses débuts comme Tardji (joueur de tambourin). Après cela, il se prit de passion pour la mandoline. Sous l'il attentif du maître, il ne tarda pas à percer tous les secrets de cet instrument qui avait une place de choix dans les ensembles musicaux de l'époque. En se frottant aux grands noms du milieu artistique, il a réussi à peaufiner ses différents talents grâce à ses capacités d'assimilation et à ses dons multiples en la matière. Au départ, il puisait dans le répertoire du medh, chansons religieuses en louanges à la gloire du prophète et des saints de l'islam, ce qui l'amena à s'imprégner davantage des anciens textes transmis oralement de génération en génération.
Le futur cheikh se chargea d'amender la transcription de certains d'entre eux car ils étaient fortement rongés par le temps. La tradition du medh s'est vue ainsi rénovée et enrichie d'un apport nouveau : la musique andalouse.
Mis à part cheikh Nador, son père spirituel, El Anka a eu à visiter plusieurs sources et ce, afin de parfaire, au mieux, sa formation dans ce genre musical fort particulier. De là, il s'est pris de passion pour les uvres des grands cheikhs à l'instar de Saïdi Abderrahmane, cheikha Yamna Bent El Hadj El Mahdi, Ben Ali Sfindja et Saïd Derraz.
En 1962, lorsque survint la mort de cheikh Nador, par la force des choses, le flambeau fut repris par El Anka qui est devenu, de la sorte, le chef de file reconnu et fort apprécié par ses pairs. Pour assurer beauté et richesse à ses textes, il s'est fait entourer de deux spécialises en la matière : Sid Ahmed Ibnou Zikri et Sid Ali Oulid Lakehal. Méticuleux dans son travail, ne laissant rien au hasard, il a pris soin d'intégrer dans sa troupe les meilleurs musiciens de l'époque. A partir de 1928, année charnière de sa carrière artistique, il entre en contact avec Columbia, une grande maison d'édition où furent enregistrés 27 disques (78 tours). Il participa à l'inauguration de l'ENRS (ex-Radio PTT d'Alger). En 1932, à l'occasion de la fête du trône, le roi du Maroc l'a reçu en invité de marque. Son pèlerinage aux lieux saints de l'islam s'est réalisé en 1936 et, en la circonstance, il composa la sublime chanson "El Houdja". Dès son retour, il se lança de nouveau dans d'innombrables tournées aux quatre coins du pays et au sein de l'émigration, en France.
Durant la seconde guerre mondiale, il a eu à traverser une période difficile. Il a fallu attendre 1946 pour le voir renouer avec son grand amour et prendre la direction de l'orchestre populaire de la station radiophonique d'Alger. Une longue traversée du désert eut également lieu pendant la révolution. A l'indépendance, il reprit en main l'orchestre de la RTA qu'il quittât définitivement en 1964 pour incompatibilité d'humeur avec les responsables de l'époque. Pour El Anka, la dignité humaine ne se marchande pas. Il n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Au départ, El Anka s'est essayé à la chanson kabyle. Quelques uvres ont été répertorié dont la plus célèbre s'intitule "A mmi âzizen" (Ô, cher fils), chanson composée en 1936 et qui est reprise par certains chanteurs en son hommage. L'autre grand mérite d'El Anka est d'avoir réussi le pari de sortir le chaâbi des cafés et autres lieux de rencontre, en le rendant accessible au grand public.
Ce monument de la culture populaire a, durant sa carrière, interprété plus de 360 qaçaïds et produit quelque 130 disques. Les chefs-d'œuvre "Lahmam lirabitou", "Sebhan ellah ya ltif" et "Win saâdi win" suffisent pour nous renseigner sur la grandeur d'un des plus grands piliers de la culture algérienne. L'unique source de référence qui existe sur ce vénéré cheikh des cheikhs est le livre-portrait du journaliste-écrivain Rabah Saâdallah, un de ses plus proches amis, et comble de l'absurde, l'ENTV ne dispose que de deux enregistrements filmés de cette légende du siècle. Après avoir consacré plus d'un demi siècle à sa passion artistique, Hadj M'hamed El Anka rendît l'âme le 23 novembre 1978 à Alger et fut enterré au cimetière d'El Kettar. Ainsi est né le mythe El Anka !
Karim Aïnouche
Le MCA, la Casbah et Hadj El-Anka
Le Mouloudia à la consonance mythique, vénéré par le grand maître du Chaâbi, Hadj Mrizek (enfant du Mouloudia), couvé dans les arcanes fumantes de «Malakoff» et incrusté dans les venelles tumultueuses de la casbah historique, est un patrimoine inaliénable qui a transformé «le butin de guerre» en phénomène de masse véhiculant, dabord, un puissant sentiment dappartenance communautaire et ensuite, un attachement populaire sans pareil.
C'est le 7 août 1921, sous les couleurs éclatantes du «Maoulid Ennabaoui», que la Casbah nourricière, héritière de la «Mahroussa», mystérieuse et cultivant le sens de l'universalité, a conçu dans la douleur son porte-étendard dont elle a légué les vertus immaculées de grandeur, de sacrifice, d'abnégation et de résistance. Entre la Casbah et le Mouloudia, la légende est commune à la quête identitaire et à la pérennité des valeurs fondatrices de liberté, de justice et d'émancipation. Il en résulte, d'une part, le mouvement d'dentification que seul le MCA peut susciter dans l'Algérie historique et contemporaine et, d'autre part, le caractère sacré de l'universalisme cher à la Casbah d'El-Anka, Zinet, Camus, René Guenon... Momo, son enfant légitime, travaillant à la définition de l'«identité suprême», considère que la Casbah est «le terrain de deux périodes de l'histoire contemporaine de cette cité marquée par la lutte entre les deux formes de civilisation, celle de l'Orient et de l'Occident, et leurs conceptions différentes de l'homme et du monde».
El Anka, la Casbah et le Mouloudia l'association coule de source, il n'est pas rare que les murs de la Casbah se parent de ces trois symboles.
El-Anka évoqué par un ancien Mouloudéen
Smail Khabatou
UN ADMIRATEUR DE HADJ EL ANKA
En dehors du foot, on sait que la musique occupe une place prépondérante dans la vie de Khabatou. Dans la pièce où il nous accueille, trônent des photos de Hadj El Anka. « Je suis un admirateur d'El Hadj. C'était ma jeunesse. Je suis un fils de La Casbah. El Anka était élève de mon père, alors imam de la mosquée Sidi Ramdane. Mon défunt père a décelé chez El Anka des capacités exceptionnelles qui lont amené à travailler avec l'imam de Sidi Abderrahmane. C'est comme ça quil a appris le Coran. Il a mémorisé toutes les sourate et il connaissait ses chansons par cœur... Moi j'ai grandi avec la musique chaâbi. J'ai touché un peu à la guitare et au piano, mais c'est le chaâbi qui ma marqué. J'appréciais El Hadj Mrizek, Mouloudéen pure souche, El Hadj Menouer, Marokène (Mohamed Marocain ancien Gardien du MCA)...
On était en relation constante, du fait que le Mouloudia, club populo, charriait toutes les couches sociales, sans distinction. C'était l'une des forces du foot de l'époque qui cohabitait, avec intelligence, avec la musique. Durant les fêtes familiales, lempreinte du club était perceptible. Cest pour cela que je persiste à dire que tant que le football ne sera pas repris dans une démarche de groupe, il ne relèvera pas la tête. » Le foot, la musique sont les hobbies de notre vieux jeune interlocuteur.
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