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Par sebbar1 le 8 Novembre 2007 à 16:18en équipe d'Algérie
HASSEN TAHIR
(ANCIEN AVANT-CENTRE DU MCA ET DE L’EN DES ANNÉES 60 ET 70)
Il faisait à lui seul le spectacle !
Au Mouloudia qu’il a rejoint durant la saison 65/66 après avoir fait ses premières classes à l’ASSE et à l’OMSE, il a fait l’unanimité sur son nom et sur son jeu fait de spectacle et de...provocations.
Hassen Tahir (né en 1947 à Saint Eugène, actuel Bologhine), puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été une véritable référence au poste d’avant-centre.
Il avait une cote d’amour énorme auprès du grand public Mouloudéen qui l’appelait affectueusement “Boukhnouna” (il essuyait sans arrêt la sueur du visage du revers de la main et se mouchait le nez sans retenue aucune).
Au MCA, il a été souvent l’homme des buts décisifs. Son flair, sa roublardise, son incessante bougeotte, son sens aiguisé du but et son jeu “provocateur” donnaient le tournis aux défenses les plus averties. “Boukhnouna” (un sobriquet qui ne l’a jamais énervé bien au contraire) poussait souvent l’adversaire, le vis-à-vis notamment à la faute.
Il pouvait à lui seul et à tout moment “tuer” une rencontre. Ses buts nombreux du reste n’étaient pas banals et il n’avait pas besoin de beaucoup d’occasions pour les inscrire. Buteur racé, il se moulait avec bonheur quelles que soient les dispositions tactiques de l’entraîneur. En 1971, à l’occasion de la finale maghrébine jouée au stade municipal du Ruisseau (actuel 20-Août-55”) devant la redoutable équipe tunisienne du Club Africain, il inscrira le but victorieux à 4 minutes de la fin au grandissime Attouga d’une manière inattendue et phénoménale (contrôle impeccable de la poitrine au niveau des 18 m, grâce à une double détente et but foudroyant qui mettra à genoux le keeper tunisien resté pantois).
Un but qui marquera les esprits des Algériens, des années durant. Avant-centre redouté, Hassen Tahir portera près de vingt fois le maillot national et ratera de peu une carrière pro avec le FC Bastia (69/70), le PSG (72/73) lui tendaient les bras grands ouverts.
Il avait moins de 28 ans et la loi de l’époque interdisait à tout joueur algérien de signer à l’étranger en deçà de 28 ans. Avec ses yeux rieurs et sa pétillante joie de vivre (à 60 ans il continue à plaisanter et prend la vie du bon côté, malgré les aléas d’un quotidien pas très enchanteur), “j’étais pareil quand je jouais, j’étais heureux, je me faisais plaisir et je tenais à donner du bonheur au public”.
Abdennour B.«Au Mouloudia on doit prôner l’union sacrée»
Que devient Hassen Tahir ?
Cela fait déjà un bout de temps que je suis à la retraite.
Pouvez-vous nous rappeler votre parcours de footballeur ?
J’ai entamé ma carrière en 1956 en tant que pupille à l’ASSE (Saint-Eugène) sous la férule de M. Izzo, un formateur et un éducateur d’une très grande valeur. Au lendemain de l’indépendance et jusqu’à la saison 64/65, je porte les couleurs de l’OMSE, l’autre équipe de Saint Eugène, mon quartier natal.
A 18 ans, c’est-à-dire durant la saison 65/66, je suis engagé par le MCA, après avoir été contacté par l’entraîneur Salah et certains dirigeants du club. J’ai signé pour une bouteille de limonade et 3000 DA, une somme de l’époque qui représentait à mes yeux et pour beaucoup une fortune. Le soir même, j’ai été approché par des émissaires de l’USMA, dont Mahieddine Allouache et le regretté entraîneur Abdelaziz Bentifour.
Ces derniers m’ont proposé le double de la prime du MCA. Je leur ai signifié que j’avais déjà fait mon choix. Il étaient déçus d’apprendre la nouvelle. Ils tenaient tellement à me faure signer à l’USMA. Au Mouloudia, je reste jusqu’en 1972. La suite de ma carrière je la poursuis au CRB en 1973 et dont je défends les couleurs durant 8 matchs.
Après le CRB, où j’ai évolué aux côtés des Messahel, Boudjenoune, Selmi, le regretté Madani, je dépose mon baluchon à Chéraga durant la saison 74/75. Je termine ma carrière à l’OMSE à l’âge de 40 ans. C’était durant la saison 76/77 que malgré mon nouveau statut de vétéran, j’ai pu inscrire énormément de buts. J’étais une sorte de locomotive pour les jeunes du club qui étaient contents d’apprendre à mes côtés.
Combien de sélections en EN comptabilisez-vous ?
Je compte environ une vingtaine de matchs et une participation aux éliminatoires de la coupe du monde de 1970.
On croit savoir que vous avez failli signer à l’étranger ?
Effectivement puisque je suis passé de peu à côté d’une carrière professionnelle qui me tendait pourtant les bras. Malgré des tests concluants avec le PSG que j’ai rejoint en 72/73 grâce à l’intervention et aux relations du père de mon coéquipier Abdennour Kaoua, je n’ai pu conclure officiellement avec le président parisien Francis Borelli qui tenait tellement à m’avoir dans son équipe. J’avais moins de 28 ans et je n’avais pas le droit de signer à l’étranger, comme le stipulait la loi à l’époque. Avant la frustration en question, j’ai été également officiellement contacté par Bastia.
C’est le fameux Georges Boulogne, ex-entraîneur de l’équipe de France, qui m’a vu à l’œuvre lors du match MCA-Bastia remporté par le Mouloudia par 6 à 3 joué en 1969 à Paris lors de la coupe des émigrés qui m’a proposé de porter les couleurs de l’équipe corse qu’il dirigeait. Il faut dire que ce jour-là, j’ai réalisé une prestation de premier ordre avec à la clé 3 buts. J’avais 22 ans à peine et Gorges Boulogne ne s’est pas privé de me dire à la fin de la rencontre, vous êtes un grand joueur. Au lendemain et à l’aéroport d’Orly, j’ai pu voir sur le journal l’Equipe ma photo et la proposition de 10.000 FF faite par Bastia. Braham Derriche, qui avait le contrat de Bastia entre les mains, ne s’est pas empêché de le déchirer. Par respect envers ce grand monsieur et envers le Mouloudia, je me suis fais une raison.
Que retenez-vous comme meilleur souvenir de votre carrière ?
J’en ai beaucoup. Toutefois celui qui m’a marqué à jamais et qui a fait tellement plaisir aux Algériens, c’est le but du MCA que j’ai marqué à quatre minutes de la fin au grand gardien Attouga à l’occasion de la finale de la Coupe maghrébine jouée contre le Club Africain au stade du 20-Août 55 en 1971. Sur un centre de Mahiouz, j’ai contrôlé le ballon de la poitrine grâce à une double détente avant d’adresser un terrible tir des 18 m qui aura eu raison de Attouga qui n’a pas cessé de me narguer durant toute la partie et dont l’expérience et la forte personnalité ont fait de lui un des meilleurs gardiens du monde de l’époque. Il est devenu depuis un réel ami.
Votre plus mauvais souvenir ?
La blessure contractée à Bel-Abbès en 1970, suite à une intervention du rugueux défenseur Khelladi m’a terriblement affecté moralement, car elle a failli compromettre la suite de ma carrière. C’est grâce aux professeurs Triki et Mehdi qui m’ont pris en charge à la clinique des Orangers à Alger, que j’ai pu retrouver l’usage de ma jambe gauche. J’ai dû passer trois semaines d’hospitalisation et une longue période de rééducation.
Pourquoi vous-a-ton collé le sobriquet de Boukhnouna ?
Ce surnom qui est devenu familier et qui ne me dérange aucunement, on me le fait porter parce que lorsque je jouais, il m’arrivait souvent de m’essuyer le visage du revers de la main, car je suais énormément du fait de ma grande dépense d’énergie.
C’est tout le public d’Algérie qui pour me taquiner m’appelait Boukhnouna. Entre eux et moi, le courant passait très bien. Il faut dire que moi aussi je les provoquais en me mouchant le nez après chaque but que je marquais. Cela faisait partie du jeu et il n’y avait à vrai dire aucune animosité.
Votre entraîneur modèle ?
Mustapha El Kamel que j’ai connu étant jeune m’a considérablement marqué. C’est avec lui que j’ai eu la réelle base de l’apprentissage. Il était une réelle référence pour la suite de ma carrière. Encyclopédie du football et de l’entraînement, il était réellement en avance sur son temps. Pour moi, il est le meilleur entraîneur algérien de tous les temps. Il savait écouter et était un génie de l’entraînement et de la tactique. Sa réputation a dépassé nos frontières.
Votre dirigeant préféré ?
J’ai du mal à les classer car ils sont nombreux. Bouchouchi, Adjani, Braham Derriche, Djazouli, Djaout, Kheddache, Hassena, Balamane, Maloufi, Ketrandji, Mekireche, Marif et Aouf, que je n’ai malheureusement pas connu, forçaient le respect de tout le monde.
Dévoués et désintéressés, ils donnaient de leur temps, de leur argent pour servir le Mouloudia. Ils prônaient l’union sacrée. Ils étaient des éducateurs hors pair. Avec cette race de dirigeants qui a disparu, le MCA d’aujourd’hui aurait eu une toute autre dimension.
L’arbitre ?
Les bons arbitres étaient nombreux à notre époque. Khelifi, Aouissi, Benghezal, Benzellat, Benganif, Hansal et Lacarne pour ne citer que ceux-là, étaient compétents et honnêtes. Mis en confiance, les joueurs leur obéissaient au doigt et à l’œil.
Quel est le coéquipier avec qui vous aviez le plus d’affinités ?
Omar Si Chaïb, Mekideche et Zoubir Aouadj (ALLAH yerrahmou), m’ont énormément aidé dès mon arrivée au Mouloudia. Je leur suis très reconnaissant et ne les oublierai jamais.
Quand avez-vous fait votre baptême du feu au MCA ?
J’ai joué mon premier match durant la saison 65/66 à Bologhine contre le NAHD. J’ai té l’auteur du but victorieux du Mouloudia. J’ai recidivé de la même manière lors de mon deuxième match joué à Blida. Lors de mon troisième match consécutif, gagné par le MCA à Bologhine par 3-1 devant l’USMA, j’ai réussi à inscrire deux buts à El Okbi (ALLAH yerahmou).
Quand avez-vous fait votre première apparition en EN ?
C’était en 1969 à Oran, à l’occasion du match amical Algérie-Saint-Etienne (3-1). C’est Tchalabi, Lalmas et moi-même qui avions été les buteurs de l’équipe drivée par le duo Bentifour-Zouba. Séduit par ma prestation et mon beau but, l’entraîneur Albert Batteux m’a fait part de l’intérêt qu’il me portait. Le regretté Bentifour lui a fait savoir que j’étais intransférable du fait que j’étais la coqueluche du Mouloudia. Au passage, je ne dois pas omettre de signaler que Lalmas m’a beaucoup soutenu lors de cette première apparition.
Quelle comparaison faites-vous du football de votre époque et celui d’aujourd’hui ?
Avant, le jeu était nettement plus spectaculaire et les joueurs plus matures. La majorité d’entre eux pouvaient évoluer à l’étranger. Aussi, à notre époque, l’esprit de famille renforçait davantage la crédibilité de notre football et barrait la route aux opportunistes.
Qui classez-vous comme meilleur avant-centre algérien de tous les temps ?
Le regretté Hachouf de Guelma, Kalem du CRB, Freha du MCO, étaient des joueurs racés et de niveau mondial. Des joueurs de leur niveau n’existent pas de nos jours.
Votre avant-centre étranger préféré ?
J’ai toujours été en admiration devant le talent fou du Hollandais Van Basten. Joueur complet, il assurait à lui seul le spectacle et faisait souvent à lui seul la différence. Vif, technique, imprévisible, il avait toutes les qualités pour réussir et séduire les puristes.
Que pensez-vous de la violence dans les stades ?
Ce sont généralement les dirigeants, les entraîneurs et les joueurs eux-mêmes qui sont à l’origine des débordements. Souvent c’est pour justifier leurs échecs qu’ils font dans cette agitation. Lorsqu’il y a fair-play sur le terrain, le public reste sage et ne verse pas dans la violence.
Votre appréciation sur l’apport de techniciens étrangers ?
Je ne suis pas contre orsqu’ils ont fait leurs preuves au plus haut niveau. Il faut reconnaître que, mis à part quelques-uns, ceux qui ont travaillé jusque-là en Algérie n’ont rien prouvé.
Comment jugez-vous l’actuelle EN ?
Le fait qu’elle a été incapable de se qualifier à la CAN deux fois consécutivement veut tout dire. Le retour de Saâdane peut être la solution. Il faut lui faire confiance et l’aider dans sa tâche. Il connaît bien le terrain et comme le dit le diction, un homme averti en vaut deux.
Un mot sur le MCA d’aujourd’hui ?
Pour sa sauvegarde et sa crédibilité, il faut organiser une assemblée générale qui réunira sans disctinction aucune, tous les authentiques Mouloudéens. Ces derniers doivent œuvrer la main dans la main et éviter toute forme de décision où de manipulation, prônant l’union sacrée.
Que vous a apporté le football ?
Sur le plan matériel, pas grand-chose. Il m’a tout de même permis de connaître beaucoup de monde, d’approcher de nombreuses personnalités et de voyager énormément. En un mot, le football a été pour moi une réelle école de vie.
Et si c’était à refaire ?
Je serai tout nerveux de rechausser les crampons et de retrouver l’ambiance des stades.
Votre équipe étrangère préférée ?
J’ai un faible pour l’O Marseille que je compare avec le Mouloudia d’Alger en raison de son ambiance et de son impressionnant public. Et puis Marseille a, tout comme le Mouloudia, ses problèmes à répétition. La seule différence entre le Mouloudia et Marseille reste dans le seul fait que les supporters marseillais ont droit à la parole car ils cotisent régulièrement.
Quelles sont les qualités de Hassen Tahir tant sur le terrain qu’en dehors ?
Comme joueur, je pense avoir excellé dans le domaine technique, l’opportunis me, la malice et la provocation. Dans ma vie de tous les jours, je suis toujours resté quelqu’un de sociable qui aime la compagnie et la plaisanterie.
Ses principaux défauts ?
Sur le terrain, j’avais tendance à m’emporter un peu vite, sans dépasser toutefois les limites de la correction. En dehors du terrain, j’ai comme défaut cette confiance aveugle qui m’a souvent joué de mauvais tours.
Qu’appréciez-vous le plus chez l’homme ?
La sincérité;
Que détestez-vous le plus par contre ?
L’hypocrisie;
Etes-vous branché politique ?
Je suis apolitique.
Votre homme politique préféré ?
Le président Abdelaziz Bouteflika représente à mes yeux l’homme politique le plus convaincant. J’ai eu le privilège de l’approcher en 1971 à l’occasion de la finale de la coupe du Maghreb gagnée par le MCA contre le Club Africain au stade du 20-Août 55. A la mi-temps, notre président, alors ministre des Affaires étrangères, accompagné de son homologue tunisien Masmoudi, m’a dit textuellement : c’est toi qui dois faire la différence. Il a vu juste, car j’ai marqué le but victorieux.
Avez-vous un quelconque passe temps favori ?
Rien de spécial, si ce n’est les quelques matchs joués avec les anciens à l’occasion de jubilés et autres galas.
A vous de soin de conclure...
Que le Mouloudia retrouve son rang conforme à sa réputation, son histoire. Que le football algérien retrouve sa crédibilité.
Entretien réalisé par A. B.Tahir Hacene, ancien international du MC ALGER :
«Je suis passé tout près d'une carrière professionnelle»
Tahir Hacene, l’ex-avant-centre international du MC Alger des années 1970, revient sur sa carrière footballistique avec plein de souvenirs et surtout des regrets qui semblent l’avoir beaucoup marqué. Evidemment, il en avait gros sur le cœur. Hacene, avec une pointe d’humour, a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses et aborder certains thèmes qui font l’actualité.
Alger Hebdo : Que devient Hacene Tahir?
Hacene Tahir : Je suis actuellement à la retraite. Une misérable retraite mais je fais avec. Je déplore le fait que les instances sportives n’aient rien fait pour nous venir en aide. Nous, les anciens footballeurs, nous vivons une situation des plus alarmantes. Je ne parle pas uniquement de moi, car il y a d’autres anciens footballeurs, et je m’excuse du terme, qui sont dans la m.... A qui doit-on s’adresser ? Je sais que M. Raouraoua a fait un bon choix en créant l’Amicale des anciens internationaux. J’espère que c’est de bon augure. Tout ce qu’on demande, c’est un peu de considération pour ces gens qui ont rehaussé l’image du football algérien.
Parlez-nous de votre parcours de footballeur...
J’ai débuté en 1957 en pupille à l’AS Saint-Eugène (Bologhine actuellement). En 1962, j’ai rejoint les rangs de l’OMSE avec comme formateur El-Kamel, au poste d’arrière-central sur les conseils de Mustapha Zitouni. Je me suis imprégné des ses qualités techniques vu qu’il avait une grande renommée sur le plan international.
En cadet, M. Belamine, qui m’a vu à l’entraînement, me proposa de jouer en attaque. Avec les encouragements de mon coéquipier Tchalabi Kamel, je me suis reconverti en attaquant.
Lors de cette saison, j’ai marqué 35 buts et c’était devenu plus facile pour moi d’évoluer en attaquant qu’en défenseur. Avec Tchalabi, Bouali et Cheikh, nous avons fait une grande saison en réussissant à atteindre les quarts de finale de la coupe d’Algérie. Nous fûmes éliminés lors de ce tour par la JSM Skikda à Annaba sur le score de 3-1. Quelques temps après, MM. Bentifour et Allouache m’ont proposé de signer à l’USM Alger. Je leur ai demandé du temps pour réfléchir et le lendemain, M. Braham Derriche et M. Bouchouchi m’ont convaincu d’évoluer au MCA.
Et c’est au sein du MCA que vous avez percé…
Au MCA, j’ai beaucoup appris avec Aouadj Zoubir, un joueur percutant et très malin. Mais avec Lemoui et Loucif, c’était très difficile d’être parmi les titulaires. Quant on annonçait la composition de l’équipe, je croisais les doigts avec l’espoir d’être retenu dans le onze rentrant.
Ironie du sort, c’est contre l’USMA que j’ai gagné définitivement ma place de titulaire. Je me rappelle qu’avant le match, ammi Braham m’a dit : «Fiston, on compte sur toi.»
Je lui ai alors répondu : «Ne t’en fais pas, je marquerai à la première minute.» Et nous venions à peine d’entamer le match lorsque Aouadj adressa un tir fulgurant en direction du gardien usmiste, El-Okbi, qui eut du mal à repousser la balle. J’ai saisi l’occasion pour ouvrir le score.
Loucif aggrava la marque quelques minutes plus tard. Puis, l’Usmiste Meziani réduisit le score. En fin de match, j’ai ajouté un troisième but qui a mis le feu aux poudres dans la tribune officielle. C’était au cours de la saison 1965/1966.
1971 a été l’année de votre premier sacre. Quels enseignements en tirez-vous ?
En 1971, nous venions de remporter la coupe d’Algérie face à l’USMA (2-0). Quelques mois après, c’était au tour de la coupe maghrébine des vainqueurs de coupe en battant en finale les Tunisois du Club africain (1-0). Puis le championnat d’Algérie 1971/72.
Le trio Betrouni-Bachi-Tahir faisait des ravages dans les défenses adverses et cela même à l’extérieur. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, il y avait le grand CRB des Lalmas, Kalem, Achour et Selmi. Alors, pour détrôner une équipe pareille, ce n’était pas facile. Le CRB était notre bête noire.
Cependant, vous avez réussi à l’éliminer en quarts de finale de la coupe d’Algérie…
Là, je dois vous citer une anecdote. Avant ce match, j’avais dit à notre entraîneur, M. Smaïl Khabatou, que le CRB était trop fort pour nous. Il a rigolé et m’a demandé ce qu’il fallait faire dans ce cas. Je lui ai répondu qu’il fallait être malin avec eux. Lors du contrôle des licences, l’arbitre marocain, qui devait officier la rencontre, appelait les joueurs du CRB par leurs noms.
Arrivé au n° 8, il avait dit monsieur Lalmas. Lalmas avait le maillot qui pendait sur son short et ses bas étaient baissés, ce qui était incorrect pour un capitaine d’équipe. J’ai alors signifié à l’arbitre que Lalmas devait relever ses bas et avoir une tenue correcte. L’arbitre approuva et demanda à Lalmas de s’y conformer.
Vous avez joué sur les nerfs des joueurs du CRB, n’est-ce pas ?
C’était le seul moyen pour les battre. Nous les avons battus par 3-1 et, du coup, nous avons effacé le signe indien qui nous poursuivait depuis plusieurs années. J’ai quand même gardé de bons rapports avec Lalmas qui était le meilleur joueur de sa génération. Et comme je l’ai dit à vos confrères, c’était un monsieur du football.
Et Mustapha Zitouni ?
Lui, c’était une autre génération. C’est l’enfant de Bologhine (ex-Saint-Eugène) qui, n’était sa participation au sein de l’équipe du FLN, aurait fait une grande carrière en Europe. Il était sélectionné en équipe de France qui allait disputer le Mondial en 1958. De plus, il était lorgné par le Real Madrid de Di Stefano. Mais l’amour de sa patrie l’a emporté sur toute autre considération.
Avez-vous participé à son jubilé ?
Oui, bien sûr. C’était aux côtés des autres joueurs de l’Amicale des anciens internationaux algériens. J’ai saisi l’occasion pour avoir des nouvelles de Mustapha par le biais de sa femme et de ses enfants.
Je regrette que l’on n’ait pas accordé plus d’importance à ce jubilé. Mustapha Zitouni méritait un jubilé d’une grande envergure avec la participation d’une équipe européenne. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans la tête des membres de la Fondation de l’équipe du FLN.
Si, à un certain niveau, on veut mettre le paquet pour rehausser le football national, l’on devrait d’abord commencer par honorer ceux qui ont dignement représenté l’emblème national, surtout ceux qui sont dans le besoin. Raouraoua m’a affirmé, lors d’une entrevue, que nous étions les premiers à avoir porté haut l’emblème national et qu’il avait compris notre situation.
Je pense que le fait de nous attribuer quelques avantages serait bien vu. Par exemple, disposer de cartes d’invitation au stade du 5-Juillet à l’occasion d’importantes rencontres, ce qui nous permettrait de nous réunir et de discuter entre nous en tant qu’anciens internationaux.
Comment se fait-il que votre passage en équipe nationale ait été bref ?
Bien que j’ai joué une vingtaine de matchs en EN, je n’ai jamais compris pourquoi on changeait la composante de l’équipe à chaque match. Je me rappelle du match que nous avions joué à Oran face à l’AS Saint-Etienne de Robert Herbin en 1970 et que nous avons remporté par 3-1.
Sur une action offensive, j’ai mis dans le vent Bosquet et Carnus et j’ai inscrit un but de toute beauté. A la fin du match, j’ai vu l’entraîneur Albert Batteux et les joueurs Bosquet, Herbin et Larqué s’entretenir en me regardant. Bentiffour est venu me voir en me disant : «Tu les intéresses, mais je sais que ammi Braham ne voudra pas te lâcher !»
Je n’ai plus joué en sélection nationale après notre élimination par le Maroc en coupe d’Afrique des nations. Nous avions battus à l’aller les Marocains, qui avaient participé à la phase finale du Mondial de Mexico en 1970, par 3 buts à 1.
Au retour, nous avons été éliminés sur le score de 3-0, après une bévue monumentale de l’arrière usmiste Debbah dans les dernières minutes.
Que pensez-vous de l’EN actuelle ?
La composante est bonne, mais il sera très difficile de se qualifier pour le Mondial. Battre l’Egypte puis la Zambie, c’est bien, mais le plus dur reste à faire.
Et Rabah Saâdane ?
Il est en train de faire du bon travail. Mais un entraîneur n’est jamais à l’abri d’un échec. Saâdane, qui reste un bon ami, sait qu’il n’a pas droit à l’erreur. Si son équipe avait connu un échec devant l’Egypte, c’est sûr qu’il aurait été «remercié». Il sait que son avenir à la tête de l’EN ne tient qu’à un fil. De nos jours, il faut avoir l’audace d’être entraîneur national parce que ce n’est pas facile d’atteindre un objectif, à plus forte raison quand on est soumis à une très grosse pression. Je me rappelle de Kermali quand il était à la tête de la sélection nationale, il mettait son cabas toujours près de la porte. Un entraîneur doit rester digne aussi bien dans la victoire que dans la défaite. Le métier d’entraîneur est ingrat et le prix à payer en cas d’échec est souvent lourd de conséquences.
Justement, quels sont les entraîneurs qui vous ont le plus marqué ?
Bentifour, Lucien Leduc, El- Kamel, Bellamine, Khabattou et Ali Benfeddah. Ce sont des entraîneurs qui ont toujours su garder leur dignité. Je blâme certains entraîneurs qui ne pensent qu’à l’argent, aux dépens même de leur réputation. Gagner sa vie, j’en conviens, mais pas aux dépens de sa personnalité et de sa dignité. C’est ce qui est devenu courant en Algérie malheureusement.
Je déplore aussi le fait que les présidents de club changent d’entraîneurs plusieurs fois dans la saison, sans même leur avoir vraiment donné le temps de constituer une grande équipe.
Pensez-vous que nos entraîneurs n’ont aucune protection leur permettant de mener leur travail à terme ?
Le résultat à tout prix a sérieusement dégradé le métier d’entraîneur. C’est une aberration de constater qu’un club a recruté 3 ou 4 entraîneurs en une saison. Lorsqu’on veut remporter un titre, il faut d’abord constituer une grande équipe qui soit capable de s’imposer à l’extérieur. Quand je vois des gens critiquer les choix tactiques d’un entraîneur, cela me déplaît. Même les supporters n’hésitent pas à vociférer des insultes contre lui quand le résultat n’est pas au rendez-vous.
Pensez-vous qu’on peut construire une équipe performante après deux ou trois mois de compétition ? Khabatou avait mis trois ans pour constituer l’équipe type du Mouloudia qui s’était illustrée par la suite en remportant de nombreux titres.Et que dire de certains joueurs qui touchent des primes de recrutement importantes ?
Je sais que la carrière d’un joueur est courte et qu’il veut remplir son compte bancaire rapidement. Mais, en contrepartie, va-t-il faire gagner un titre au club recruteur ?
Je me rappelle la fois où M. Aziz Derouaz, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, au cours d’un débat à la télévision, avait mis en évidence le fait que les présidents de clubs et les joueurs ne payaient pas d’impôts et qu’ils devraient le faire. Quelques temps après, il n’était plus ministre. C’est à n’y rien comprendre. On dirait que le football est devenu une affaire politique. Si une entreprise déclare ses employés, je ne vois pas pourquoi un club ne déclarerait pas ses joueurs ? Les joueurs, au même titre que les entraîneurs, doivent être protégés.
Vous avez raté une carrière professionnelle. Peut-on en connaître les raisons ?
C’était en 1969. Nous avions disputé en France un match contre le SC Bastia de Rachid Mekhloufi que nous avions battu par 6 buts à 3. J’ai marqué ce jour-là trois buts. A la fin du match, M. Mekhloufi et les dirigeants bastiais m’ont proposé de signer un contrat avec leur club, mais j’ai dû refuser. En 1971, lors d’un passage à Paris, M. Kaoua Mourad, le père du gardien de but mouloudéen Abdenour, m’a présenté à M. Borelli, vice-président du PSG.
Le lendemain, ce dernier me contacta pour un essai qui a été concluant. Dans les vestiaires, M. Fontaine, le DTS, me proposa 6000 francs et un logement pour signer un contrat avec le PSG, en attendant ma lettre de libération du MJS. Deux mois après, M. Patrel est venu me voir en me disant : «M. Tahir, j’ai une mauvaise nouvelle. Tout international algérien n’a pas le droit d’opérer en Europe avant ses 28 ans.» Là, j’étais complètement perdu. Il fallait choisir entre la nationalité française ou rentrer au pays. Je suis rentré au pays sur les conseils de mon père.
Quel est le rôle de l’Amicale des anciens internationaux algériens ?
Cette association, que préside Ali Fergani, a été créée dans le but d’honorer, de faire sortir de l’anonymat les anciens internationaux et de les aider financièrement. Certains d’entre eux vivent dans une situation difficile. C’est fini le temps où l’on organisait un jubilé pour un ancien footballeur pour lui remettre un trophée et un survêtement en guise de cadeau. Maintenant, on collecte de l’argent pour le remettre à ceux qui sont dans le besoin. Ce ne sera plus un geste symbolique, mais un apport financier pour les soulager. Ils seront contents en se disant qu’on ne les a pas oubliés. Cette association sera comme un syndicat qui prendra en charge les anciens joueurs et contribuera à les aider dans la vie. On y retrouve Bachi, Horr, Tasfaout, etc. D’autre part, un jubilé dédié à Abdelkader Zerrar, qui se trouve dans un état lamentable, sera organisé ce jeudi à El-Harrach. Zerrar a fait partie du RC Kouba et CR Belcourt dans les années 1960 et a dû mettre fin à sa carrière à la suite d’un terrible accident. Un autre jubilé, en hommage à Issad Doumar, ancien joueur de la JS El-Biar, sera organisé le 29 juin.
Ce sont des anciens joueurs qui, malgré leurs problèmes, n’oseront jamais demander quoi que ce soit.
Les derniers propos de M. Raouraoua m’ont également satisfait. Le président de la FAF a compris que ces gens ont besoin d’aide, même s’ils ne le montrent pas.
Quel est votre meilleur souvenir ?
C’était contre le Club africain en finale de la coupe maghrébine des clubs. J’avais marqué le but de la victoire du MCA. Un but d’anthologie. Sur une passe de Mahiouz, j’ai réceptionné la balle de la poitrine et d’un retourné acrobatique, j’ai logé le cuir dans les buts de Attouga. Je savais que je ne disposais que de quelques secondes pour cette action de but. Ce fut le délire dans les tribunes du 20-Août. M. Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères et qui était en compagnie du ministre tunisien, M. Masmoudi, s’était levé en signe de joie. En rencontrant Attouga quelques années après, je lui ai dis : «Même en vieillissant, tu te souviendras toujours de moi.» J’aurais aimé que l’ENTV consacre des reportages aux anciens joueurs, ne serait-ce que pour les faire sortir de l’anonymat et que la nouvelle génération ait une idée sur leur passé. Pourtant, j’ai envoyé une cassette vidéo à Hamraoui Habib Chawki concernant ce match et celui contre Bastia.
Et votre plus mauvais souvenir ?
C’était en 1972. Nous devions jouer contre l’ES Guelma pour le compte de la dernière journée du championnat national. Il fallait une victoire pour assurer le titre. J’avais une petite blessure à la cuisse et j’en avais informé le staff médical. Le Dr Benhabyles m’a fait une injection pour atténuer la douleur. Après avoir marqué un but, j’ai ressenti une douleur qui s’amplifiait. Je fus remplacé par mon frère Hamid qui a pu inscrire le 2e but et assurer le titre. J’ai dû être opéré en urgence par les docteurs Trigui et Mahdi. Je n’ai pas pu alors rejoindre Mustapha Zitouni pour faire un essai à Monaco. Cela m’a causé beaucoup de regrets. Je me rappelle une fois au Maroc, au cours d’un dîner offert en l’honneur de la délégation mouloudéenne, un officiel marocain est venu proposer à Braham Derriche : «Voilà un million de dirhams et laissez nous Tahir.» Ammi Braham lui répondit : «Même si vous me donnez tout le Maroc, vous n’aurez pas Tahir.» Quand je pense à toutes ces offres, c’est vraiment regrettable de les avoir refusées. Si j’avais eu la chance d’évoluer à l’étranger, je ne serais peut-être pas dans cette situation. Maintenant, ce que j’attends de la part des autorités, c’est juste un peu de considération envers ma personne. Quand je vois la situation dans laquelle se trouvent plusieurs anciens joueurs, nonobstant mon cas, je me dis qu’on n’a pas le droit de nous oublier.
P.r.p. Sfindja Hamdane
Le quotidien "Horizons" du Jeudi 08.11.2007
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