Que devient Djillali Aït Chegou ?
Je consomme ma dixième année de retraite du GCB, une filiale de la Sonatrach où j’occupais le poste de cartographe et topographe avant d’être versé dans les œuvres sociales.
Retraite professionnel mais également retrait sportive ?
Depuis cette saison uniquement car je n’ai cessé d’activer en tant qu’entraîneur, reconversion entamée une fois ma carrière de joueur bouclée à la fin de la saison 87/88 à l’âge de 40 ans avec le RCK. J’ai eu à entraîner de nombreuses équipes, comme Fouka, Sidi Aïch en division 2, Bousmaïl, Koléa...
A 39 ans vous aviez pourtant décidé de raccrocher définitivement. Qu’est-ce qui vous a motivé à prolonger d’une autre année ?
C’était durant la saison 87/88 et c’est Mahieddine Khalef qui m’a poussé indirectement à reprendre officiellement la compétition. Après avoir disputé un match complet de vétérans avec le RCK opposé à l’OMR, joué en ouverture du match EN 82-EN espoir, je fus ollicité par Mahieddine qui me demande de remplacer au pied levé Guendouz, qui s’est blessé. Pour un deuxième match d’affiliée et à 39 ans, je sors encore match plein devant les jeunes de l’EN espoirs. J’avais ce jour là rendu la tâche extrêmement difficile à Noureddine Neggazi.
Présents durant le match, les dirigeants du RCK qui ont été émerveillés par ma prestation m’ont à leur tour sollicité pour reprendre du service. Voilà comment j’ai joué jusqu’à 40 ans.
Pouvez-vous nous rappeler votre itinéraire sportif ?
C’est en 1961 à l’âge de douze ans, que j’ai fait mes premiers pas de footballeur au sein des pupilles de l’AS Kouba. Au lendemain de l’indépendance, j’intègre la catégorie minime du RCK où je fais toutes mes classes, avant d’opter pour le MCA durant deux saisons (77/78 et 78/79). Forcé de quitter le MCA avec huit de mes coéquipiers à l’image de Bachi, Betrouni, Zerrouk, Bachta...à cause de cette loi du MJS interdisant aux joueurs âgé de 28 ans et plus d’évoluer dans les équipes de l’élite, j’ai failli arrêter ma carrière de joueur. J’opte toutefois pour l’équipe de Koléa où je passe 6 ou 7 ans, et dont je deviens l’entraîneur avec à la clé une accession en régionale. En 85/86, je joue à l’US Santé aux côtés de Bachi, Bachta,...avant de retourner au RCK durant la saison 87/88.
Une idée sur votre palmarès ....
J’ai remporté chez les jeunes et avec le RCK, plusieurs titres nationaux. Avec ce club, j’ai pris part à deux finales de coupe d’Algérie junior l’une remportée devant Skikda par 4-1 sous la férule de l’entraîneur Mohamed Achour dit Papalouche. L’autre perdue devant le SA Sétif.
Avec le MCA, j’ai eu le privilège de décrocher deux titres nationaux (77/78 et 78/79).
Aussi, j’ai été international cadet sous la coupe de l’entraîneur Belkacem Mokdadi. Junior, avec les Betrouni, le regretté Hadefi, Mokrani de Jijel, Alili de Blida, Chouchi du MCA, Kaoua sous la direction de Lucien Leduc et le regretté Saâdi. Universitaire avec Attoui Ahmed, Aïssaoui, Allik, Tikanouine, Allili, Bousseloub, Mokhbat, encadrés par Lemoui et Zerar, et senior A sous la férule de Zouba et le regretté Bentifour.
En 1970, j’ai fait partie de la sélection maghrébine qui a joué au stade El Annassers, contre le Pérou (1-1). Ce jour-là, à 21 ans, j’ai évolué au poste d’ailier gauche aux côtés des Seridi, Larbi, Allal, Tahar, Hadefi, Lalmas, Chakroun...
Combien de sélection comptez-vous avec l’ENA ?
Une trentaine environ.
Que retenez-vous comme meilleur souvenir de votre carrière ?
La victoire avec l’équipe nationale junior au tournoi international de Roubaix de 68. Avec le gretté Miloud Hadefi sacré joueur le plus élégant du tournoi, Mokrani de Jijel, Betrouni, Kaoua, Chouchi, Sellami, nous avons battu en finale l’équipe de l’OSC Lille de Pierre Lechantre par 2 buts à 0. J’ai inscrit le premier but et Sellami le second.
L’accession en division Une avec le RCK en 88/89 restera elle aussi un souvenir impérissable. J’avais 40 ans et j’ai évolué durant cette saison aux côtés des Assad, Kaci Saïd, Cerbah, Hamada.
Votre plus mauvais souvenir par contre ?
C’est la blessure que j’ai contractée en 1969, une semaine après le décès tragique au stade Bologhine de Tayeb Amrous. C’était lors du match RCK-SCAF joué à Blida. Suite à un violent choc aérien tête contre tête avec le regretté Belkheïr, je me retrouve sur le sol, la tête ensanglantée et le visage déformé. Ce n’est qu’une fois à l’hôpital et plusieurs heures après que j’ai pu reprendre connaissance.Des moments de grande frayeur qui ont longtemps affecté les membres de ma famille.
Quel est l’entraîneur qui vous a le plus marqué?
Jeune, j’ai eu énormément de respect et de considération pour Mohamed Achour dit Papalouche. Un père pour tout le monde et un vrai éducateur.En seniors, j’ai apprécié le savoir -aire et le sens de la communication des Roumains Makri et Mandru. Les deux ont apporté au RCK les méthodes du football modernes. Ils étaient pour le fooball algérien, ce qu’a été Stephan Kovacs pour le football français.
Le dirigeant ?
A Kouba, Brahim Aït Daout, Djennadi, Benouniche, Bensemaine, Alilat ...étaient des dirigéants au dévouement exemplaire qui imposaient le respect.
L’arbitre ?
Lacarne et surtout Hansal étaient à mes yeux des modèles du genre. Hansal en fin psychologique savait sourire avec les joueurs, mais n’hésitait pas à les sanctionner sans pour autant que ces derniers ne rouspeétent, car ils le savaient compétent et honnête.
Avec quel coéquipier aviez-vous le plus d’affinités tant sur le terrain qu’en dehors ?
Avec Fourar Laïdi Salem, qui a fait toutes ses classes avec moi au RCK et même joué à l’USMA au poste de stoppeur. J’ai été et je suis encore très complice. Il est actuellement mon voisin à Kouba et a même été durant 32 ans mon collègue de travail à la Sonatrach. C’est plus qu’un ami, c’est un frère.
N’aviez-vous pas été tenté par une carrière pro ?
Si puisque j’ai même eu la possibilité de tenter le coup durant la saison 72/73. C’est Mustapha Zitouni, alors entraîneur au RCK et ami de la famille qui m’a mis en contact avec les responsables de l’AS Cannes. Ce sont le problème de l’autorisation de sortie et de la loi qui interdisait à tout joueur algérien âgé de moins de 28 ans de jouer à l’étranger qui m’ont contraint de tirer un trait sur le contact en question.
Votre modèle de joueur ?
Mustapha Zitouni, que Dieu lui prête longue vie et le regretté Miloud Hadefi. A l’étranger j’avais un faible pour Pelé et Cruyjf.
Que vous a apporté le football ?
Au plan matériel, rien du tout. Par contre, il m’a tout de même permis de me forger dans ma vie de tous les jours. En jouant en football, j’ai connu beaucoup de monde et j’ai énormément voyagé.
Et si c’était à refaire ?
Je suis partant pour refaire le même parcours. Je ferais tout de même attention à l’aspect financier.
Quelle comparaison faites-vous entre le football de votre génération et celui de ces dernières années ?
Il y a une grande différence. Le football a évolué. Sur le plan technique tactique mais surtout physique. Il est devenu une réelle science. Chez nous on ne travaille pas assez l’aspect physique et les entraîneurs ont peur de doser les entraînements, souvent sous l’influence des présidents.
Quel a été l’adversaire que vous n’aimiez pas croiser sur le terrain ?
A vrai dire mes qualités de joueur polyvalent ne permettaient de ne faire aucune fixation sur tel ou tel adversaire, même aussi costaud fut-il. La preuve, j’ai continué à jouer à 40 ans totalement libre psychologiquement et en forme.
Vos principales qualités sur le terrain et en dehors ?
J’excellais notamment sur les plans physique et tactique. Aussi je ne trichais jamais, me sacrifiais pour certains postes et j’acceptais les tâches les plus ingrates. Dans ma vie de tous les jours, je suis connu pour mon hygiène de vie irréprochable. La preuve, j’ai continué à jouer au plus haut niveau jusqu’à 40 ans.
Vos défauts majeurs ?
Le jeu de tête en attaque, mais pas en défense. En dehors du terrain, beaucoup me reprochaient ma timidité.
C’est peut-être ce défaut, cette nature qui m’a quelque peu empêché de donner une bien meilleure dimension à ma carrière, qui a été out de même bien remplie.
Quelle est la qualité première que vous appréciez chez l’homme ?
J’ai beaucoup de respect pour celui qui a de la personnalité et qui tient parole.
Le défaut que vous détestez le plus ?
L’hypocrisie.
Que pense Aït Chegou de l’actuel RCK ?
Le RCK a toujours été une école. Il y a actuellement des jeunes qui méritent d’être encouragés et bien pris en charge. Il faut les encadrer par quelques anciens joueurs qui ont fait leurs preuves dans le domaine de la formation et de l’entraînement. Aussi, je souhaite de tout cœur que le RCK retrouve son lustre d’antan.
Alors, Aït Chegou de retour au RCK ?
Nous nous attelons avec certains anciens à la création d’une fondation qui toucherait toutes les disciplines sportives et aurait même une dimension culturelle. Placée sous l’égide du RCK et de l’actuel président Sofiane Mecheri, la fondation en question devrait réunir l’ensemble des bonnes volontés.
Avez-vous pensé à votre jubilé ?
Ni moi ni mes quatre frères avons pensé un jour à l’organisation d’un quelconque jubilé. Lorsque à 40 ans, j’étais encore compétitif, je prenais tous les matches joués avec le RCK comme de réels jubilés.
Avez-vous un passe-temps favori ?
Le sport à la TV, les grands matches de football, les grands évènements sportifs, en athlétisme, par exemple, et les tournois de vétérans auxquels je prends part avec les anciens de Kouba meublent mon temps libre.
Pour vos 61 ans bouclés il y a tout juste une semaine, un quelconque vœu ?
Je souhaite la tranquillité et la santé à ma famille, à moi-même et à tout le peuple algérien. Je souhaite également beaucoup de réussite à notre équipe nationale de football en Afrique du Sud.